Histoire de Revel Saint-Ferréol                                  CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°19 - Année 2014 - pp. 70/120

L’Occitanie  - La langue occitane et sa littérature

Par René Drevot

 

 

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La langue, « signe principal d’une nationalité » disait Michelet, est un des éléments fondateurs de l’identité d’un pays ou d’une région, partie intégrante de sa culture, son histoire et son patrimoine. Nationale ou régionale elle est issue des différents idiomes que les migrations et les invasions diverses ont mêlés, déformés, synthétisés pour lui donner, par syncrétisme, sa forme définitive qui, avec le temps, peut s’enrichir  ou parfois hélas s’appauvrir. Transmise à l’origine par l’oralité, sa littérature et ses écrivains la font vivre et la perpétuent. Elle symbolise l’unicité née de la pluralité et de la mixité  de civilisations qui se sont établies sur un territoire  forgeant ainsi, par son appropriation, les racines d’un peuple ou d’une région qui s’attache à la faire vivre et la transmettre.

 L’Occitanie, région regroupant le tiers sud de la France, représente bien, à ce titre, l’archétype  d’une communauté  ou d’un peuple lié par une langue et une culture commune.  Au cours des siècles,  surtout  dès  la Renaissance, la politique d’extension de la langue française sur notre pays a conduit  à marginaliser les langues régionales souvent qualifiées de « Patois » d’en réduire, voire d’en supprimer l’usage. Aujourd’hui,  à l’heure  de la mondialisation, des flux migratoires, du développement exponentiel du numérique, des moyens de communication et d’information en temps réel, la volonté de  pérenniser et  transmettre une langue régionale  peut paraître désuète, anachronique voire autarcique. Il  n’y a pas dichotomie entre l’attachement aux fondements identitaires, au passé créateur et l’ouverture au monde ainsi que le respect, la reconnaissance et la défense de la langue française. Les deux marchent de concert en conciliant évolution, modernité, partage et ancrage sur le socle fondateur. Cette volonté  de parler, transmettre, enseigner la langue régionale, donc s’enseigner afin de s’aimer s’estimer, comme disait Charles Péguy,  ne participe pas d’une tendance à un fédéralisme régional autonome, même si au cours de l’Histoire elle a pu apparaître, en corollaire au  désir de « vivre et travailler  au Pays », face à la volonté hégémonique de la langue nationale dans la droite ligne du centralisme jacobin de notre pays.  Elle répond au seul désir de maintenir la langue d’une région, issue d’une culture et d’une civilisation particulièrement évoluée «  parce qu’un peuple qui possède sa vie propre doit posséder aussi une langue et une littérature bien à lui ».

Le dessein de ces quelques pages, par l’évocation de l’Occitanie, de l’occitan  et de sa littérature à travers les siècles, est  d’aborder la genèse, le rayonnement et le maintien  de  cette région, de  sa langue, tous ses dialectes, de la culture qu’elle  symbolise  et la littérature, qui lui est propre.

 

I. / L’Occitanie (1)

Il est généralement admis  qu’on désigne sous le nom d’Occitanie cette grande région qui s’étend sur un gros tiers du sud  de la France de l’Atlantique aux Alpes dans l’axe Ouest-Est et des Pyrénées et de la méditerranée au Limousin et l’Auvergne dans l’axe Nord-Sud, ainsi que les vallées alpines de l’Ouest du Piémont italien et le val d’Aram en Espagne. A la  question «  Qu’est-ce que l’Occitanie ? »  l’écrivain Yves Rouquette déclara «  L’Occitanie, c’est le pays des deux mers Atlantique et Méditerranée, s’ignorant l’une l’autre. Il se compose de trois montagnes avec quelques plaines entre. Toute autre définition relève de la rêverie poétique ou politique » L’occitan, langue vernaculaire prépondérante de cette région, en fut le principal point de repère géographique. Sous le vocable «  Occitanie » est désigné le territoire dont les habitants parlent, sous divers dialectes, une même langue d’origine romane ou néo-latine (Occitan ou langue d’Oc) et partagent  une culture commune née de la mixité des différentes populations qui l’ont habité. Gérard de Sède, en réponse lui aussi à la question «  Qu’est-ce donc, alors, que l’Occitanie ? »  écrit dans son ouvrage ‘’ 700 ans de révoltes occitanes’’« C’est d’abord un espace de parole » il ajoute dans ce même ouvrage : «  L’Occitanie n’est pas seulement un espace de langage ; son originalité linguistique est à la fois le support et le reflet d’une histoire et d’une civilisation originales »  On pourrait trouver, dans la littérature relative  à cette région, plusieurs autres définitions tout aussi pertinentes ou contraires à la perception qu’on en a. Toutefois, dans l’inconscient collectif, le terme MIDI est souvent utilisé pour ce qui devrait normalement être appelé OCCITANIE, ce que souligne à juste titre André Dupuy dans l’introduction de son livre  ‘’ Historique de l’Occitanie ‘’ en écrivant : « Rétablir la vérité, c’est d’abord appeler MIDI, par son nom l’OCCITANIE et reconnaître dans le particularisme méridional la civilisation occitane »

 

Les Origines

« Nos ancêtres les Gaulois », mythe longtemps répandu par l’éducation nationale auprès de générations d’écoliers n’a pas résisté, peut-être un peu tard car il demeure encore dans la mémoire collective, à l’examen objectif de l’histoire de notre pays et de sa langue. A l’inverse d’autres nations européennes, comme l’Allemagne, la France et peut-être plus encore, dans sa partie sud, l’Occitanie, résulte de la mixité de peuples de différentes cultures et origines, même si elle garde une base gréco-latine.
Apparu au Proche-Orient, l’Homo sapiens arrive en terre occitane vers – 35000 pour constituer le Périgordien ancien auquel succède le Périgordien moyen puis le Périgordien supérieur vers -22000. Arrivent ensuite :
- le proto- magdalénien –20000
- le Solutréen qui se termine vers –17000
- le magdalénien qui se distingue par l’art pictural rupestre (Lascaux notamment) qui va durer de -15000 à -10000
- l’azilien qui se termine vers - 8000.

Un changement important des conditions climatiques entraîne le départ de ces populations qui émigrent vers le nord. Dès lors « l’Occitanie » va connaître le dépeuplement.
Il faut attendre le VIème millénaire avant J.C, le mésolithique et surtout le néolithique, pour voir l’arrivée d’une nouvelle civilisation, des dolichocéphales (cranes longs), de race méditerranéenne, venus du proche orient. Ils sont relativement nombreux en Occitanie. Par la suite, au cours du néolithique, venant des régions ouralo-altaïques,  apparaît une nouvelle race d’homme, des brachycéphales (crane court), qui  s’installent dans le Massif Central et les contreforts des Alpes et des Pyrénées. Ce sont les Pré-indo-européens venus du centre nord de l’Europe qui sont présents vers – 800.

Dans la période proto-historique  arrivent les Ligures, méditerranéens d’origine mal identifiée, qui s’établissent  en Provence vers la fin du VIIème siècle avant J.C.

Les Ibères, venus d’Espagne, se fixent vers – 370 en Gascogne et dans la partie sud du Languedoc. Les Grecs créent aux environs du VIIème siècle avant  J.C. des comptoirs sur la côte méditerranéenne et fondent Marseille.

Les Gaulois, Indo-européens venus du nord et non plus méditerranéens, entrent en France au cours du 1er millénaire avant J.C. Ce sont des Celtes qui s’installent surtout au nord de la Loire et leur densité est faible en Occitanie. Ils représentent la première vague d’origine celte qui va introduire la civilisation hallstattienne  du premier âge du fer qui tire son nom du site archéologique d’Hallstatt en Autriche. Ils n’atteindront les régions méridionales que vers – 230.
Ils représentent la deuxième vague celtique qui amène la civilisation de la Tène, (gisement suisse situé près de Neufchâtel) représentant l’apogée celtique, celle du deuxième âge du fer (voir photo).

Sur le site de Berniquaut a été retrouvé un important matériel constitué de céramiques, objets en fer, en bronze, en plomb, en verre datant de l’époque celtique de la Tène, comme le mentionne Jean Lautier  dans «Berniquaut-commune de Sorèze»

 

 

 

 

Mobilier archéologique
(site de Berniquaut commune de Sorèze – Tarn).
Dépôt de fouilles archéologiques de Sorèze.

 

Les Romains arrivent peu après vers –122 en Provence et –120 en Languedoc. Ils vont marquer notre terre et y rester environ six siècles en imposant le latin qui supplante les autres dialectes qui, toutefois, conservent des traces importantes. Ils apportent également leur religion, leur art de bâtir. Ils installent des voies de communication, une administration centralisée. Dans la Narbonnaise, principalement, des villes se développent (Narbonne, Nîmes, Aix-en-Provence, Toulouse) mais également en Aquitaine (Bordeaux, Saint- Bertrand de Comminges). Avec la « Pax Romana » l’économie se développe : viticulture, céramique, fer, marbre. Le christianisme s’implante et le latin se répand par l’intermédiaire de l’église.

 

 

 

A la chute de Rome, les Wisigoths, peuple germanique, entrés en Provence en 413 comme auxiliaires de l’armée romaine, fondent,  par la suite, un état qui s’étend de la Provence à la péninsule ibérique, et instaurent une certaine unité politique. Toulouse devient leur capitale. Casimir Barrière-Flavy (2) révèle qu’ils étaient présents dans la plaine de Revel et possédaient des fortifications sur les hauteurs de Montgey, Saint Julia, Montégut, Saint Félix, Les Casses et, selon lui, la nécropole découverte à Revel était une possession Wisigothique.
Les francs gardent l’état franc dans la partie située au nord de la Loire. Les Wisigoths ne peuvent, cependant, s’opposer à la pression franque, ils sont battus par Clovis en 507 à Vouillé (près de Poitiers) et se replient en Espagne.

Les Vascons, peuple non latinisé, résidant entre la vallée de l’Ebre et l’Océan, passent les Pyrénées, vers la fin du VIème siècle et s’établissent dans une région qui deviendra la Gascogne.

 

 

 

Le Royaume des Wisigoths (507-511)

 

 

 

 

 

Enfin, les Arabes, ayant occupé l’Espagne, franchissent les Pyrénées au début du VIIIème siècle et s’établissent sur le littoral languedocien et la Basse Provence.

Le peuplement de l’Occitanie résulte de grands courants de populations venus de l’Est, du Nord, du Sud qui n’ont pas uniquement transité mais se sont établis pour construire ce qui peut être considéré comme une Nationalité Occitane.

 

2 / Les différentes dénominations

Résultante de cette fusion de plusieurs peuples, de langue et de civilisation différentes qui s’y sont implantés à la faveur de sa structure géographique, l’Occitanie, évoluant au cours du millénaire qui va du XIème au XXIème siècle, a pris successivement diverses appellations :  Aquitaine, Provence, Langue d’Oc ou « Occitania », Gascogne, Midi et enfin Occitanie.

 

 

 

 

 

 

2.1 / L’Aquitaine (3)

Au IVème siècle les provinces du sud sont désignées par le vocable « Aquitania », celles du nord sont appelées «  Les Gaules ».

 A l’inverse de leur influence politique et culturelle qui est profonde, les Wisigoths ont une faible influence ethnique. Toutefois les Aquitains se révoltent  contre le roi Euric. Face aux barbares l’Aquitaine est la terre de la présence romaine et de la religion catholique. Avec leurs évêques ils font appel à Clovis roi franc chrétien. La défaite des Wisigoths à Vouillé devant Clovis, entraîne l’annexion de l’Aquitaine au royaume mérovingien ce qui  provoque une nouvelle révolte des habitants contre ce nouveau maître car ils considèrent que leurs terres forment une dépendance qu’on ne peut partager. Différents royaumes se forment alors.

Sous l’influence des basques se crée un véritable royaume d’Aquitaine  «  seul royaume chrétien non germanique » né sur les ruines de la Gaule mérovingienne. Il va peu durer car le Roi Eudes, après avoir une première fois résisté, est écrasé par les Arabes. Il fait appel aux Carolingiens et avec l’arrivée de Charles Martel puis de Pépin le Bref  le royaume d’Aquitaine disparaît. L’invasion franque fait apparaître l’originalité de la civilisation avancée des peuples méridionaux qui subissent une occupation militaire mais non administrative. Avec Charlemagne l’Aquitaine devient un Etat distinct se limitant à la Loire et au Rhône. Il prévoit en 806 le partage de ses états en 3 parties :
- la nation franco-germanique (Le royaume de Louis le Germanique)
- la nation italienne (le royaume de Lothaire)
- la nation occitane (royaume de Charles) regroupant Aquitaine et Provence.

Après  la mort de Charlemagne en 814, le traité de Verdun, en 843, modifie ce partage et l’empire est alors divisé en trois bandes verticales dont une des conséquences est le rattachement arbitraire des féodaux occitans au roi de France et à l’Empereur de Germanie.
 


Au VIIème et VIIIème siècles, la division linguistique de l’ancienne Gaule entre Gallo-Roman septentrional et Gallo-Roman méridional donne naissance à la langue d’oc au sud et à la langue d’oïl au nord.
Avec le catalan la langue d’oc constitue « l’occitano-roman ».

 

 

La langue occitane présente, dès les premières apparitions littéraires au XIème siècle, une assez grande unité. Elle va être un élément prépondérant de la culture occitane, de son évolution, et marquer la spécificité de cette grande région par sa civilisation évoluée. La naissance précoce à l’écrit, initiée par cette culture originale, se développe par les Troubadours dont l’influence dépasse les pays romans pour aller jusqu’aux pays germaniques. Au Moyen-âge l’occitan est la seule langue orale et avec le latin la seule langue juridique et administrative écrite. Cette culture n’a jamais connu de rupture dans ce pays qui deviendra le berceau de la civilisation occitane. C’est le résultat de la maturation, sur un millénaire, de la présence et le rayonnement des civilisations helléniques, hébraïques, romanes, islamiques qui se sont enrichies mutuellement. L’Occitanie, terre de fixation, a vu l’installation des peuples qui l’ont habitée et qui ont fait naître la civilisation originale qui la caractérise.Ainsi, en terre occitane, dès la fin du XIème siècle s’instaure le règne du  « Paratge » qui constitue le premier fondement de cette civilisation. Il institue l’égalité Homme-Femme qui n’avait jamais été instaurée dans aucune des civilisations précédentes. La femme peut hériter et posséder des biens propres. En Amour elle est l’égale de son  « drut » (amant) qui doit « l’onorar »  (l’honorer) « et l’aimar » (l’aimer) alors que la femme doit respecter son mari.
Elle peut aussi exercer des métiers d’hommes. Le « Paratge » participe au fondement de l’ordre de la chevalerie.
Devenir chevalier n’était pas réservé à la noblesse de naissance. Il faut avoir de la noblesse de cœur, de la « valor » (valeur) et du  « prêtz » (mérite).  
Le « paratge » valorise « l’Amor » qui va constituer aux XIIème et XIIIème siècles le deuxième fondement de la civilisation occitane.

Cet « amor » est le meilleur moyen de « se melhorar » (s’améliorer) et d’acquérir plus de « valor » et de « prêtz ».
 Les « fins amants » (purs amants) se doivent « fizeltat » (fidélité) et doivent faire preuve de « largueza » (générosité), « caritat » (respect de l’autre) « drechura » (droiture) « mesura » ( mesure).

Enfin,  ils  doivent se choisir en toute « libertat »  (liberté) pour éviter que « volontatz non es engaus » (que les désirs ne soient égaux).

Ces grandes lignes de cette civilisation où un sens aigu de la liberté y est développé, ont été répandues en grande partie par les « Troubadours ». Elles se traduisent par des déclarations très démocrates comme celle relevée dans « les fors de Bigorre » en 1097  (4) :

«  Nous qui valons autant que vous et qui, réunis, pouvons plus que vous, nous vous établissons notre seigneur à condition que vous respectiez nos droits et privilèges » 

Au XIIème siècle, les jurats de Bordeaux répondent à leur souverain le Roi Edouard Ier :

 « Tous les hommes et toutes les terres sont libres de leur nature et toute servitude est usurpée et contraire au droit commun.»

Cette défense de la liberté ne réapparaîtra explicitement que dans l’article 1er de la loi du 28 septembre 1791.

Les villes occitanes sont animées d’un esprit d’indépendance. Ainsi Toulouse, bien qu’attachée à ses Comtes,  a un gouvernement indépendant et une constitution d ‘esprit républicain. Solidarité et fraternité étaient répandues envers tous les gens de la langue d’oc, hérétiques ou pas et à ceux qui acceptaient la « Convivencia » (coexistence tolérante et pacifique) notamment les Arabes et les Juifs.

La défaite à Muret des troupes occitanes des comtes de Toulouse, de Foix, de Comminges et aragonaises, face à Simon de Montfort, avec la mort de Pierre II roi d’Aragon porte un coup à cette civilisation

Le peuple occitan ne se résignera pas, tout en établissant une certaine collaboration avec le pouvoir central. Ainsi les villes de Marseille et Bordeaux vont tenir tête au pouvoir royal jusqu’à la fin du XVIIème siècle.

2.2 / La Provence
(XIème, XIIème, XIIIème et 1ère moitié du  XIVème siècles)

A l’aube de ce 2ème millénaire les Pays de langue d’oc, qui n’ont pas d’unité politique, se partagent entre l’Empire germanique et le royaume de France dont les autorités sont restreintes. Dès lors se constituent, sous l’autorité de Ducs et de Comtes, des dynasties locales qui vont devenir indépendantes. C’est le cas  des Comtes de Toulouse, de Provence et du Duc d’Aquitaine.

Ce morcellement et les rivalités qui en résultent n’empêchent pas une certaine unité réelle, bien que non politique, pendant plus de deux siècles.  Baratier écrit dans l’Histoire de la Provence :

Les domaines de Toulouse, Trencavel et Aragon
aux XIème et XIIème siècles

« Les contemporains englobent sous le nom de Provençaux tous les habitants du midi de la France qui forment une seule et vaste nation, unie par une même langue et des coutumes semblables

L’appellation de Provence succède à celle d’Aquitaine pour désigner non seulement la Provence proprement dite mais aussi la plus grande partie de l’ancienne Aquitaine, le Languedoc, la Gascogne et le Dauphiné. Cette « nation provençale »  avec une langue d’un prestige international, possède une société des plus évoluées dont la littérature et l’art marquent l’Europe occidentale. Elle sert de modèle à l’Europe et F. Engels dira de la civilisation occitane :
« Elle n’avait pas seulement atteint un développement éclatant, elle se situait même à la pointe de l’Europe »

La prépondérance en est revendiquée par les trois maisons, celles d’Aquitaine dont le duc, Plantagenêt, est Roi d’Angleterre, de Barcelone dont le comte est Roi d’Aragon et de Toulouse dont le comte partage la Provence avec la maison de Barcelone. Mais cette prédominance se jouera entre les maisons de Toulouse et de Barcelone. Raymond IV de Saint Gilles va, grâce à des mariages successifs et des héritages, constituer une principauté allant de la Garonne au Rhône et prendre le titre de comte de Toulouse, duc de Narbonne et marquis de Provence.

Les « Raimondins » apparaissent autant, sinon plus, marquis de Provence que comtes de Toulouse. En effet pour un palais à Toulouse (le Château Narbonnais) les comtes en ont cinq sur les Bas-Rhône  ou ses abords (Saint-Gilles, Nîmes, Mauguio, Beaucaire, Carpentras).

La participation de Raymond IV  aux croisades l’éloigne de ses terres pendant plusieurs années. A son décès, toujours loin de leur pays, ses deux fils continuent à participer aux croisades et il faut attendre Raymond V pour un retour en terres occitanes.
Les années perdues ne peuvent malheureusement  pas être rattrapées d’autant plus que l’hérésie cathare et la croisade, qui va la combattre, s’installent dans la région.
Les états de Raymond V  ne constituent, faute d’une structure centralisée comme celle de  son homologue catalan, qu’une fédération où les comtés de Mauguio, de Nîmes, le pays de Saint-Gilles et le marquisat de Provence, sont quasiment indépendants.
Ainsi  Raimond Bernard de Trencavel puis son fils Bernard Aton se trouvent à la tête d’une principauté englobant les régions de Carcassonne, Béziers, Limoux, Agde, Albi et Nîmes. Toutefois les comtes de Toulouse gardent un grand prestige.

 

Les domaines de Toulouse, Trencavel et Aragon
aux XIème et XIIème siècles

 

La maison catalane, animée par une volonté de reconquête, se tourne vers les pays occitans et affronte celle de Toulouse pour tenter de créer un état méditerranéen et pyrénéen allant de la Garonne à l’Ebre et à la Provence. Au cours du XIIème siècle ces deux maisons se disputent les vassaux, les abbayes et les unions matrimoniales pour agrandir leurs influences.  Ces affrontements aboutissent à la grande guerre qui va de 1179 à 1194 et occupe les dernières années de la vie de Raymond V. Raymond VI, qui lui succèdera, réussira l’apaisement en traitant avec les Rois d’Angleterre et d’Aragon dont il épousera successivement les deux sœurs. Ces conflits n’occultaient pas les conditions favorables sur les  plans géographiques, économiques, démographiques et culturels à la création d’un état occitano-catalan. Avec la reconquête, sur les Arabes, des territoires catalans, les populations chrétiennes venues des pays d’oc (Cerdagne, Languedoc, Gascogne) voyaient des possibilités de migration vers les terres catalanes et aragonaises et constituaient ainsi le germe d’une nouvelle nation d’autant que la langue, quasi-commune, ne représentait pas un obstacle à ce rapprochement. .

De plus la poésie des troubadours comprise et estimée offrait un lien réel. Dès lors, des liens se tissaient entre les habitants des deux pays, si bien que l’unité  commençait à se réaliser à la base, malgré l’opposition des seigneurs à la soumission  à un seul  qui était la condition de  cette union.
Alors qu’avec le temps, l’unité de la base allait se concrétiser sur le plan politique, tout fut remis en question par la défaite de Muret, le 12 septembre 1213, des armées coalisées de Pierre II d’Aragon, des comtes de Toulouse, de Foix et de Comminges face à Simon de Montfort, bien que celui-ci fut en infériorité numérique (La bataille de Muret – Marcel Dieulafoy).

 

Après la mort de Pierre II au cours de cette bataille les Catalans  se détournent des terres occitanes pour reconquérir la péninsule ibérique.   

La création d’un état occitano-catalan ne put se réaliser et les pays de langue d’oc restaient désunis. Cette unité, ultérieurement attribuée aux Capétiens et aux Valois, ne fut en fait que l’agrandissement du royaume de France  par l’assujettissement de « contrées étrangères » qui le restèrent longtemps par la persistance d’un esprit d’indépendance.

 La terreur de la croisade  et de l’inquisition contre les cathares initiés par le pape Innocent III et menés par Simon de Montfort  ainsi que l’application des statuts de Pamiers, qui décrivaient l’organisation militaire, civile et religieuse des régions sous le contrôle de  Simon de Montfort, s’opposaient  à ce que la civilisation occitane avait instauré et y substituaient la civilisation française.

Ainsi les veuves, les dames nobles et héritières de châteaux et biens ne pouvaient pas se marier avec des chevaliers de langue occitane, sans permission du Comte, et ce pendant trente ans. Par contre elles pouvaient épouser des chevaliers de langue française.

Le Comté de Toulouse est attribué, en 1215 au concile de Latran, à Simon de Montfort. De 1216 à 1224, sous la conduite de Raymond VII, les seigneurs occitans avec la population libèrent le pays. Simon de Montfort est tué devant Toulouse en 1218. En 1226 avec le Roi Louis VII, la croisade est victorieuse et au traité de Paris en 1229 Raymond VII perd les 2/3 de son comté et se soumet au roi et à l’église.

Enfin la prise de Montségur le 16 mars 1244 voit la chute du dernier bastion du catharisme. Deux cents «parfaits » y sont brûlés au bûcher.

 

 

 

        

Le bûcher de Montségur                                                                 La Citadelle de Montségur

 

L’unité ne put se réaliser dans le cadre d’une Grande Provence, de Clermont à Valence et des Alpes à l’Atlantique, réunissant un peuple, sous un même souverain, uni par une même langue et une civilisation évoluée, faute de la présence d’un monarque, issu de cette civilisation, apte à structurer ce  pays en un état fédéral puissant.

Les pays d’oc perdaient leur autonomie et rentraient dans le système féodal français. La croisade des Albigeois, sous couvert d’une lutte contre l’hérésie, avait  aussi un aspect politique. La résistance des Occitans, de son côté, marquait plus une volonté patriotique pour défendre leur « Nation » et leur patrimoine culturel qu’une réelle conversion au catharisme. Cette croisade fut le germe de la domination, au terme de quelques siècles, de la langue d’oïl et d’une dynastie septentrionale.  

 

2.3 / La Langue d’Oc  ou  Occitania 

Ce terme a d’abord été une expression qui désignait les pays où  on parlait cette langue appelée en latin  « Occitania ».

Pour l’administration capétienne cela englobait tous les pays de la langue d’oc. Après l’annexion de l’ensemble de ces pays, ce terme ne désignera plus que la Province qui porte, encore aujourd’hui, le nom de Languedoc. Le Roi de France régnait, alors, sur deux nations de langues différentes avec deux administrations différentes. A preuve le fait que les villes de Toulouse, Montpellier, Narbonne, Carcassonne et autres villes de la Langue d’oc demandaient de battre une  monnaie particulière pour cette région parce que ces pays ne pouvaient se gouverner par la monnaie de Paris! En 1324 Charles, Comte de Valois, oncle du Roi, est envoyé en Aquitaine à la tête d’une armée avec autorité de Lieutenant dans les parties de Langue d’Oc. Toutefois cette région était distincte du Duché d’Aquitaine, sous tutelle du Roi d’Angleterre, mais dont les limites variaient en fonction  des conquêtes de territoires faites par le royaume sur les possessions anglaises. Ces fluctuations de frontières étaient mises à profit, sur le plan politique, par les deux royaumes pour revendiquer, à tour de rôle,  des droits sur le territoire de l’autre. Cette séparation administrative entre les pays de Langue d’Oc et la partie nord du royaume  va perdurer pendant plusieurs années. Un durcissement du pouvoir central, afin que l’action des Etats ne concerne plus que des questions locales, apparaît à la fin du règne de Charles VII et s’accentue sous Louis XI. Avec la perte du droit de consentir l’impôt, la conquête par le royaume de la Guyenne anglaise et l’annexion de la Provence et du Roussillon, la partie méridionale était devenue une simple assemblée provinciale.

Le terme de langue d’oc a été maintenu par les Rois de France pour servir leur volonté d’expansion jusqu’à  l’annexion de l’ensemble du domaine occitan. Souligner la différence de langue et de mœurs entre l’Occitanie et la France était devenu inutile. Le but était donc de démanteler le sentiment de l’unité occitane, en réduisant les territoires de Langue d’Oc  à une province et sa langue à celui de dialecte, voire de patois.

2.4 / La Gascogne

Le XVIème siècle, avec le rattachement des dernières terres occitanes (Auvergne en 1527 et Provence en 1535) marque un tournant. 
L’autonomie provençale résultant des statuts de 1483 est remise en cause par l’édit de Joinville qui réforme l’organisation de la justice de Provence et fait fi de l’ordonnance de 1487 qui promettait de maintenir et respecter les institutions et privilèges de cette province.

Avec cet édit, la Provence rentre dans le moule administratif de la centralisation monarchique  française qui verra, jusqu’à la Révolution, la multiplication des offices de justice pour remplir les coffres de l’Etat.

Le royaume, composé de diverses nationalités, doit être consolidé et François 1er, après une période de politique libérale, avec la tolérance religieuse et linguistique, adopte l’absolutisme. Il impose la religion catholique et autorise le massacre des Vaudois qui va marquer le début des guerres de religions. Les Vaudois du Lubéron, habitant principalement le Vaucluse

appartiennent à l’église vaudoise issue d’un mouvement religieux créé par Pierre Vaudès en 1170. Ils s’installent en Lubéron à partir de 1399.

Le 20 avril 1545 les troupes royales encerclent Cabrières où vivent les vaudois ayant adhérés à la réforme, et massacrent la population ainsi que celle des villages voisins.

Quelques années auparavant,  en septembre 1539, François 1er avait promulgué l’Edit de Villers-Cotterêts, qui imposait la langue française  dans les actes officiels et de justice en interdisant le latin et les langues régionales, dont la langue d’oc que parlent 1/3  des sujets du royaume. Cependant malgré le « bon plaisir » du Roi les limites des deux France ne peuvent s’effacer. La langue officielle du droit et de l’administration persiste  et la langue d’oc se maintient sur le territoire désigné  depuis longtemps  sous le nom de Gascogne. Dès lors, ce terme pris dans son sens général,  désigne bien l’ensemble des pays de langue d’oc, bien que pour certains la Provence n’y soit pas incluse.

Nombre d’habitants vont embrasser la religion réformée. La réforme va progresser rapidement, elle constitue un parti puissant dans le midi et les occitans peuvent y trouver un moyen de favoriser leur aspiration à l’autonomie. L’asile donné par Marguerite de Navarre, en Béarn, aux réformés proscrits, incitera à y voir une idée d’indépendance. La conversion, à Pau  en 1560, de Jeanne d’Albret, mère du futur Henri IV, constitue un acte peut-être plus politique que religieux car elle était considérée par les huguenots comme leur reine. Ces peuples, pour qui l’opposition religieuse de langue d’oc constituait un support moral à leur indépendance, à l’instar de ce qu’avait pu être le Catharisme, manifestaient ce besoin d’autonomie par l’expansion de cette réformation. Ils formaient une France à part  en conservant une opposition aux francs qui les avaient envahis.

Le massacre de la Saint Barthélemy, le 24 août 1572, atteint le paroxysme dans l’intolérance du pouvoir royal.

En Occitanie où résident les ¾ des protestants une résistance méthodique et résolue s’organise car « ils s’opposent aux catholiques non plus comme adeptes d’une autre confession mais comme sujets d’une autre nation.» (5).

Le 7 février 1573 naît, à l’assemblée d’Anduze, l’Union Protestante antimonarchiste à tendance républicaine et fédéraliste. La trêve entre protestants et catholiques intervient le 30 mai 1574. Elle précède la création de la Confédération Protestante-Politique consacrée à Millau en juillet 1574.

Le Maréchal Montmorency-Damville y est reconnu comme gouverneur et lieutenant général des protestants-politiques  unis de Languedoc, Provence, Dauphiné, Poitou, Saintonge,  Angoumois, Foix, La Rochelle, Quercy et Rouergue. Les deux religions se tolèrent et des mariages mixtes se multiplient. Un règlement de 184 articles, adopté à Nîmes, fin 1574 et début 1575, institue un conseil provincial, une assemblée provinciale et des Etats Généraux, dits Assemblés Générales. Il s’agit là d’une sorte de gouvernement républicain séparé du reste de l’état qui constitue le cœur du royaume. Cet état, de tendance séparatiste, s’étend sur tout le Midi. Les opposants à cet état forment la « Ligue » qui s ‘appuie sur les centres de Toulouse, Bordeaux et Marseille. Face à l’imposition de la langue française, restait, en Béarn, un bastion, dernier état souverain, où  la langue d’oc était la langue officielle qui devint, dès lors, la langue de la religion réformée.

Henri de Navarre, devenu Roi gascon, parle la langue d’oc et reste attaché à ses compatriotes béarnais. Bien que sa double naissance Bourbon et Albret fasse  la synthèse entre les deux moitiés de la France Nord et Midi, persiste en lui l’hérédité  gasconne. Son mariage avec Marguerite de Valois, sœur du  roi Charles IX, le rapproche du trône de France, du fait des disparitions successives des prétendants au royaume. Dès l’assassinat d’Henri III le trône lui est promis et entraîne de sa part l’abjuration de sa religion pour devenir roi de France  et ainsi regrouper les deux royaumes de Navarre et de France en un seul. Le 22 mars 1594, Henri de Navarre, devenu Henri IV, entre en vainqueur à Paris avec ses troupes gasconnes. Contrairement aux illusions des gascons et bien qu’il déclare aux parlementaires bordelais : «  je suis gascon comme vous » ; il sera un monarque français travaillant à l’unification du royaume de France sous un régime de monarchie absolue.

Du fait de l’abjuration et de cette volonté d’absolutisme, certains y verront une trahison, non seulement par l’abjuration de la religion protestante mais aussi par l’abandon de la démocratie  pour  une monarchie absolue. Les huguenots obtiennent une sécurité qui sera provisoire et son règne marque une trêve entre les pays d’oc et d’oïl.

Cet apaisement entre France et Gascogne sera de courte durée car, avec  Louis XIII  et Louis XIV « rois français », les pays d’oc forment une province étrangère et seront traités comme tels.
Les révoltes Occitanes qui s’ensuivront  comme celles de l’Ormée à Bordeaux  en 1650,  des Croquants et des Camisards au début du XVIIIème siècle mettent le trône en péril et ne seront mâter qu’au bout d’un siècle. Ces Occitans révoltés sont considérés comme des étrangers « qui n’étaient français que pour payer l’impôt donner leur sang au roi de Paris et envoyer leur noble à la cour du nord » La langue d’oc reste la langue usuelle de la majorité des occitans. Toutefois, depuis Montaigne, des écrivains occitans comme Bayle, Pascal, Fénelon, Montesquieu sont intégrés à la littérature française. La bourgeoisie occitane, qui aura un rôle important au cours du XIXème siècle, imprégnée de culture et de citoyenneté française  collabore avec le pouvoir central et renie ses origines. Le destin de l’Occitanie  va être tributaire de cette mutation.

2.5 / Le Midi

Ce terme, désignant l’ensemble des provinces méridionales, est peu fréquemment employé jusqu’en 1789 où il est alors officialisé. Avec la création des départements par l’administration révolutionnaire, les pays  d’oc deviennent «  Le midi de la république » puis le «  midi de la France », enfin « le midi » tout court et désignent ainsi les territoires du sud. Corse et Pays basque y étant  souvent inclus. La presse, par les titres de ces journaux, contribue à répandre cette appellation.

Naîtront alors : « L’Echo du Midi » à Toulouse, « La Gazette du Midi » à Marseille, puis « Le Quotidien du Midi », « Le Courier du Midi », « L’Express du Midi ».
 
Pendant la révolution, apparaissent une contre révolution royaliste opposée à la République et un soulèvement fédéraliste, qui concerne essentiellement l’Occitanie, contre le pouvoir central. La première  a vu  ses trois insurrections échouer.
Par contre le mouvement fédéraliste, prépondérant en Occitanie, en renouant avec les anciennes autonomies consulaires, conduisit les occitans à municipaliser la révolution en se préoccupant les premiers des fédérations régionales et interrégionales. Ainsi la   « fédération des Pyrénées » créée  en novembre 1789  a été une des premières de France.
Il est même envisagé, par opposition à l’absolutisme jacobin,  de créer une république fédérale. Dans le Midi on désire une sécession complète en vue d’élaborer une République du Midi allant de Lyon à Bordeaux. A l’incitation de Bordeaux et Marseille il est même envisagé de créer une armée à Toulouse pour marcher sur Paris. 
Mais le refus de Toulouse condamne ce fédéralisme.
Faute d’appliquer la démocratie directe pratiquée dans la tradition municipale occitane le mouvement girondin a échoué.

Le français, qui jusqu’alors n’était qu’une traduction de la langue occitane, devient la langue d’expression des dirigeants au conseil politique. La bourgeoisie y adhère car elle espère une garantie de rapports privilégiés et d’un rôle de classe dirigeante dans la révolution. Cependant la masse rurale n’apporte pas son adhésion.
Le refus des communautés occitanes d’adhérer à une révolution faite en français, et un peu en dehors d’elles, va entraîner l’échec de la constitution, non pas d’une république du midi difficilement concevable, mais d’une république fédérale française. On imputera cet échec à l’attitude de la bourgeoisie. 
Paradoxalement ce fédéralisme girondin servira involontairement à asseoir le centralisme parisien qui fait les révolutions et les impose à la province.

La 1ère « Ligue du Midi »

Lors du coup d’état du 2 décembre 1851 un soulèvement sur le territoire allant des Alpes à l’Atlantique deviendra, en Provence principalement, insurrectionnel. Ce mouvement a éclaté sans avoir été initié par Paris. Cette ligue du Midi qui regroupera 13 départements d’Occitanie fut rapidement démantelée par une forte répression policière. Elle renaîtra 20 ans plus tard avec la Commune.

La 2ème « Ligue du Midi »

Le 18 septembre 1870 cette 2ème ligue va regrouper 13 départements du sud-est.

Son programme précise que : «Cette confédération n’est pas un état dans l’état. Le Midi ne se sépare pas du reste de la France et de Paris »  mais des tendances marquaient une volonté de se gouverner soi-même.
Le midi était en pleine ébullition et des dissensions apparaissaient avec le gouvernement  sur l’orientation à donner à la guerre. A tel point que le député du Rhône René Bérenger déclarait « Bientôt on conçut la pensée que la Ligue devait être moins destinée à combattre l’invasion prussienne qu’à établir la République comme ils la rêvaient ».

La commune en Occitanie connut, contrairement à Paris, deux épisodes : automne 1870 et printemps 1871. La Ligue du Midi veut fédéraliser la révolution méridionale et imposer sa loi à la démocratie, mais le reste du Pays ne suivra pas car l’héritage de la révolution est remis en question. Il s’ensuit l’échec de ce fédéralisme.

L’insurrection légale du Midi

La surproduction viticole, qui survient après le Phylloxéra, entraîne la chute des cours avec des répercussions sociales et politiques.
En 1907 les vignerons s’opposent au gouvernement. De mars à juin la révolte gronde de Perpignan à Nîmes. Des comités se forment et des leaders apparaissent. Des milliers de manifestants se pressent dans les villes et des émeutes éclatent avec des morts pour conséquence.

On fait appel à l’armée pour rétablir l’ordre. La région, bien que républicaine, est poussée à bout par la mévente du vin. On voit même le 17ème régiment d’infanterie de Béziers se mutiner.
Les mutins sont envoyés en Tunisie et Clemenceau rétablit le calme.
L’idée d’établir une république du Midi fut présente chez certains. Cette révolte n’aboutira pas à l’autonomie du Midi mais  à la création de la « Confédération Générale Viticole ».
 2.6/ L’Occitanie
Le terme « Occitanie » qui n’est rien d’autre qu’une francisation de « l’Occitania » du XIIIème siècle, apparaît à la fin du XVIIIème.
Au cours de son développement s’adjoignent des dérivés : occitanien, occitanique au XIXème puis occitan, occitanisme et occitaniste au début du XXème.
Diverses revues, depuis 1887, utilisaient le terme « occitania » qui est de nouveau en usage.
Jusqu’à la 1ère guerre mondiale, l’occitan reste enraciné dans les villages et dans les villes, mais la guerre marque une rupture. Les jeunes soldats vont évoluer dans un milieu francophone pendant plusieurs années, le nombre de morts accroît le déséquilibre démographique et l’attrait de la ville réduit la population des villages. En 1921 l’Occitanie ne regroupe que 24.6% de la population de la France.
L’immigration et l’émigration accroissent peu à peu la « désoccitanisation ».
La 2ème guerre mondiale va, elle aussi, créer une mutation de l’occitanisme. En zone libre jusqu’en novembre 1942 l’Occitanie évite l’occupation, bénéficie du repli des activités et accueille les réfugiés. Après cette période une partie de la jeunesse entre en résistance avec l’organisation de nombreux maquis. Avec  le débarquement des alliés en Provence le 15 août 1944, le reste de l’Occitanie prend en charge sa libération. Cette libération régionale est un fait important et crée une situation révolutionnaire spécifique jusqu’en 1947.

La « République Populaire du Maquis » qui dura 3 mois de fin août à novembre 1944,  née en Aquitaine, comprend 26 départements répartis en 5 régions militaires et représente l’ébauche d’un véritable fédéralisme.
Ainsi apparaît de nouveau en Occitanie un mouvement plus ou moins autonomiste, fédéraliste ou séparatiste, la complexité et la pluralité des positions des membres de ce mouvement ne permettant pas de se prononcer pour le qualifier. De Gaulle va faire « rentrer » le Midi dans le giron de la France.

Le retour à la situation d’avant guerre voit l’Occitanie contrainte de demander au pouvoir central le droit d’enseigner sa langue et sa civilisation, du fait d’une francisation complète avec disparition du monolingue occitan. Quelques résultats sont tout de même obtenus : loi Deixonne en 1951 (1ère loi autorisant l’enseignement des langues régionales), enseignement des civilisations régionales en 1969, présence « des langues de France » comme langues facultatives au baccalauréat de 1970, mais les moyens manquent pour leur application.
En conséquence des intellectuels occitans, parmi lesquels se trouvent de nombreux jeunes, ne se contentent plus de la littérature « tout ce qui reste à un peuple quand l’Histoire se retire » (Max Rouquette) et entrent dans le mouvement de l’histoire.

Des partis à tendance politique se créent.
Le PNO (Parti National Occitan) cherche le contact avec le peuple et rencontre de nombreuses  sympathies. Le Comité Occitan d’Etude et d’Action (COEA) constitué lors de la grève de Decazeville, s’efforcera d’orienter la politique occitane.

Il n’est pas séparatiste comme le PNO.
L’Historia d’Occitania, d’Espieux, apparaît après mai 1968. Il marque une nouvelle tendance  et accélère la prise de conscience occitane. Des affiches se couvrent de graffiti « OC », « Occitanie libre » « Volèm viure al païs ».

En 1971 «  Lutte Occitane » prend la suite du COEA et apparaît lors des manifestations viticoles de Béziers en 1974.

Le mouvement «  Volèm viure al païs » créé après l’élection présidentielle de 1974 se déclare «  socialiste, autogestionnaire et autonomiste occitan ».

L’année suivante apparaît le Mouvement Populaire Occitan (MPO) dont l’action se concentre en Aquitaine.

Cette activité politique des intellectuels provoque des réactions de certains qui déclarent «  l’occitanisme est aujourd’hui d’ordre essentiellement politique et les questions de culture dont il fait état ne sont plus que des prétextes et des instruments de combat ».
On va même jusqu’à qualifier cette attitude d’aberration et déclarer «  impensable de couper un pays en deux parce que des attardés veulent parler patois ». D’autres, enfin, réfutent la langue d’oc et veulent effacer 1000 ans d’histoire, de culture et de civilisation.

Avec la régionalisation et l’impact de certaines manifestations, parfois violentes, un droit à la différence commence à être reconnu.

« Volèm viure al païs » devient en 1974 un mouvement qui regroupe ceux qui veulent vivre au pays et défendre le bien commun que représente la terre occitane au-delà de ses différences politiques, professionnelles et religieuses. Quelques évènements marquent ce réflexe d’autodéfense : la grève de Decazeville (1961-62), l’affaire du Larzac ( bien qu’elle se soit étendue sur un plan plus national qu’occitan), les manifestations viticoles de 1975-76.

Ces mouvements révèlent une progression de  la prise de conscience occitane. Son origine date des années 1969-70 dans le pays audois avec une chanson occitane «  un païs que vole viure ».

Son chef de file, Claude Marti, jeune instituteur de Carcassonne est suivi par d’autres chanteurs. Le Théâtre occitan, théâtre populaire, pauvre en moyen mais mu par la foi, le « téatre de la carriéra » (le théâtre de la rue) succède à la chanson et le peuple s’y reconnaît. Les foules se pressent et renouent avec la langue et la culture occitane, donnant naissance au désir de lutter pour sa survie avec la prise de conscience de  leur personnalité et leur force.

A ce titre les manifestations viticoles en constituent un symbole avec le processus «  d’occitanisation »   du mouvement qu’elles enclenchent. Les paysans sont sensibles à la promotion de la langue occitane par la chanson et le théâtre populaire régional.
Le mouvement viticole voit l’émergence d’un tribun dans lequel se reconnaissent les viticulteurs : Emmanuel Maffre-Baugé, surnommé ‘’ le petit Jaurès ‘’, né dans un milieu traditionnel, catholique et bourgeois, qui fut élève de l’abbaye école de Sorèze et des jésuites à Montpellier.

Il déclare à la presse pour préciser la motivation de son action «  Tout jeune j’ai appris à aimer le pays occitan. Ma mère parle la langue. Mon père a été majoral du Félibrige. Toute ma famille a vécu dans le midi agricole. Je ne suis pas occitan au sens révolutionnaire du terme, je suis occitan dans la mesure où je suis fils de ce pays depuis des siècles à travers les miens ».

Il rejoint la contestation occitane face à l’objectif de faire de la région un lieu uniquement consacré aux vacances.
Il écrit même au président Pompidou :   « Vous acculez le midi méditerranéen à revenir à son esprit profond de révolution occitane »
Ce qui contredit apparemment sa déclaration de n’être pas révolutionnaire, mais qui  veut  prouver que cet esprit révolutionnaire est généré par l’action de l’Etat.

Le 17 mars 1975 débute à Montpellier la série de manifestations viticoles. A cette occasion E. Maffre-Baugé s’adresse à la foule sur l’esplanade du Pêyrou en disant : «Peuple occitan, réveille-toi. Tu dois imposer à l’Etat centralisateur le respect de ton économie, de tes ouvriers, de tes paysans.»

La cathédrale est occupée. Des messes et des sermons se font en occitan. La dépêche du Midi écrit : « Paris ne semble pas comprendre la détermination des viticulteurs, qui  savent ne plus être seuls, mais de tout un peuple, celui du midi »

Les manifestations se poursuivent à Sète.
Un durcissement apparaît et on va envisager, si besoin,  la création d’un parlement régional, et le mouvement viticole tend à sortir de son isolement.
Un rassemblement populaire commence à se dessiner. Viticulteurs, ouvriers syndicalistes, fils d’une même terre, doivent, selon Maffre-Baugé, s’unir pour la sauvegarde de l’économie régionale en gardant chacun sa spécificité. Un sentiment d’être occitan avant d’être français apparaît.
La solidarité populaire réclamée s’exprime lors de la journée du 5 février 1976 où le cri « Volèm viure al païs » est repris par des milliers de manifestants à travers le Languedoc et le Roussillon.
Il exprime, ainsi, le refus occitan régional de disparaître sans crier gare. Le mouvement viticole, devient dès lors un mouvement occitan qui s’explique plus par des raisons ethniques que politiques et traduit une volonté de vivre sur sa terre comme il l’entend

Ces évènements font apparaître une Occitanie qui cherche à s’affirmer avec le rôle important de la linguistique. Une langue est certes un moyen d’expression mais aussi, et peut-être surtout, un vecteur de la pensée. Elle délimite une communauté naturelle qui peut aller et va souvent au-delà des frontières, naturelles comme les Pyrénées par exemple  pour la langue occitane, ou artificielle. Depuis la fin du XIXème siècle l’enseignement gratuit et obligatoire a imposé la langue française à tout le pays et, partant, appris aux occitans à se reconnaître français. Toutefois l’appartenance à une région, une terre, une culture et son appropriation peuvent parfois apparaître prépondérantes face à celle de la nation dans son ensemble, sans pour autant se dissocier de celle-ci. Les menaces sécessionnistes, apparues au XXème siècle, en apportent la preuve. Les occitans, du fait de leurs origines ethniques spécifiques et proches des nations les plus au sud de l’Europe, se différencient de la partie nord de la France. De ce fait leur attachement à leur terre, leur passé, leurs racines civilisatrices y est important, générant un patriotisme occitan. La volonté séparatiste s’est régulièrement manifestée  tout au long des siècles depuis la fin du Moyen-Age. Elle est sous-tendue par  cette appartenance ethnique mais aussi, pour le peuple, par des revendications matérielles et économiques et un attachement à une civilisation occitane.

L’Occitanie s’affirme et l’usage de ce terme, qui a connu une extension à partir de la fin du XXème siècle, finit par entrer dans le langage courant. Il ne fait certes pas référence à un état politique qui n’a jamais existé, ni même à une région d’identité politique, malgré quelques tentatives pour les créer dont on peut supposer que l’échec résulte plus de l’aspect ‘’ politicien ‘’qu’on a voulu lui faire prendre que de la volonté de défendre une culture et un attachement régional.  Seul le partage d’une même langue, avec sa diversité de dialectes, par une population, a constitué l’Occitanie.
Celle-ci  ne doit pas exister par son seul folklore mais s’exprimer et se développer avec comme nécessaire condition la reconnaissance de sa langue et sa pérennisation. Une régionalisation suffisamment indépendante de notre séculaire centralisation  pourrait, peut-être, permettre d’atteindre cet objectif. Est-ce là un vœu pieux ?

 

 

 

II. La Langue Occitane et sa Littérature  (6)    

1. / L’origine de l’Occitan ou langue d’OC

Langue Occitane, Occitan, langue d’OC, ces diverses terminologies sont indifféremment utilisées pour désigner cette langue, aux divers dialectes, qui fut le ciment unificateur et créateur  de cette région du sud de notre pays qu’est l’Occitanie exempte d’identité politique mais symbole d’une famille linguistique, d’une culture et d’une civilisation, comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent. Comment est-elle née ? A quelle époque ? Quel fut son apport  dans la civilisation occitane ?  Comment s’est-elle transmise ? Quelle fut et est encore sa littérature, son mode de transmission, son rayonnement culturel, ses combats pour sa pérennité et quel est, aujourd’hui, son enseignement et ses perspectives de maintien voire de développement ? 
Tenter d’apporter des éléments  de réponse est l’objectif (qui peut paraître ambitieux) du présent paragraphe. Pierre Bec  définit l’occitan comme une des «langues ethniques » de la France la plus importante et la plus proche du français par son origine. L’emploi de ce néologisme résulte du fait qu’elle n’est ni un dialecte ni une langue nationale, ni même régionale comme le breton ou l’alsacien, compte tenu du vaste domaine sur lequel elle s’étend et qui va même au delà de nos frontières pyrénéennes et alpines.

Elle représente une des grandes langues romanes ou néo-latines issues d’une  symbiose entre le latin populaire (dit aussi  vulgaire) importé par les soldats  et les colons romains, dès –120 et pendant 6 siècles,  et les idiomes primitifs parlés avant l’invasion romaine. Elle subit  aussi l’influence de ceux qui suivirent  cette occupation. Cette mutation progressive se termina aux environs du IXème siècle.

Le concile de Tours en 813, réuni par Charlemagne, demanda que les sermons soient faits en langue romane et non plus en latin afin d’être compris par tous.  Cette langue intégra, à sa base dominante qu’est le latin, une bonne partie de vocabulaire émanant du Gaulois, des langues ouralo-altaïques, du grec par la latinisation de certains mots, du germanique, lui aussi apporté par les romains, de l’Arabe.

Enfin, depuis le moyen-âge, occitan et français s’empruntent mutuellement du vocabulaire. L’occitan fait partie de l’entité linguistique appelée Gallo-roman méridional ou occitano-roman ou encore langue d’oc présente dans la partie sud de la France par opposition à la langue d’oïl (Gallo-roman septentrional) présente dans sa partie nord, laquelle donna naissance au français, qui au cours de l’histoire, s’étendit sur l’ensemble de notre territoire pour devenir notre langue nationale.

La langue occitane est, à l’instar de nombre de langues, divisée en dialectes. Le français lui-même est un ancien dialecte, le francien, qui était parlé en Ile de France au moyen-âge. Il s’imposa comme langue nationale par le fait que Paris, capitale du royaume, se  trouvait dans cette province. Une telle prédominance d’un des dialectes de l’occitan ne s’est pas produite et chacun d’eux garde sa légitimité, selon le principe de l’Occitanie « diversité dans l’unité et la tolérance ».

Malgré cette diversité les occitans se comprennent sans grande difficulté, quelle que soit leur région. On en compte 6 réparties en 2 groupes:
- le sud-occitan comprend le gascon, le languedocien et le provençal
- le nord-occitan comprend le limousin, l’auvergnat et le vivarais-alpin

Le languedocien, (Ariège, Aude, Aveyron, Cantal, Dordogne, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Lozère, Tarn et Garonne et partiellement les Pyrénées Orientales) est le plus proche du latin, il a peu évolué depuis les troubadours et facilite ainsi la lecture de leurs textes.

Le provençal, (Provence, Comtat Venaissin,  Comté de Nice) identique au languedocien au moyen-âge, il évolue au XVème siècle et présente des différences avec le languedocien

Le gascon, (gascon central, béarnais, pyrénéen) limité en gros par les Pyrénées, l’Atlantique et la Garonne se distingue du languedocien dès le XIIème siècle

Le limousin, célèbre par le fait que les premiers troubadours étaient limousins

L’auvergnat, parlé évolué et plus fragmenté

Le provençal-alpin (Alpes, Dauphiné, sud-ouest du forez, nord du Vivarais, nord du Velay).

Le terme  de  Langue d’OC ou Occitan n’apparut qu’au XIIIème siècle après la classification de Dante qui séparait la Langue d’Oc du sud de la langue d’Oïl  du nord de la France. Comment expliquer, sur cette terre  de France, cette bipartition entre « Oc » et « Oïl » (nord et sud) du domaine gallo-roman,  idiome originel de l’occitan et du parler français?

L’arbre « généalogique »  ci-dessus montre la genèse des différentes langues romanes issues du latin modifié au cours des âges
par les idiomes préexistants dans les régions envahies par les romains.

Pierre Bec dans «  La Langue Occitane » y voit une cause géographique du fait de « l’enclavement » de la région sud entre les Pyrénées, les Alpes et le Massif Central qui  a favorisé, par stabilisation, une sorte de colonisation de peuplement des civilisations qui l’ont occupée, contrairement aux plaines du pays d’oïl. Cela aurait eu pour conséquence la sédentarité des populations du sud entraînant, sur le plan linguistique, un « archaïsme »  du gallo-roman face aux faibles innovations linguistiques venant de la partie septentrionale qui, elle, en aurait subies. Il ne retient pas toutefois cette hypothèse comme seule explication et invoque les implantations des peuples venus s’installer dans la région occitane, avant l’arrivée des romains et surtout les gaulois, qui ont eu une faible influence linguistique en pays d’oc à l’inverse de celle exercée dans la partie septentrionale de la France. De plus la romanisation  a créé des liens entre le sud de la Gaule et la future Catalogne ibérique,  que l’installation d’un état wisigoth va renforcer, accentuant ainsi l’opposition « Oc/Oïl ».

Enfin  le manque d’uniformité de  l’imprégnation de la  langue germanique dans le latin sur tout le territoire peut aussi contribuer à expliquer la différence entre langue d’oc et langue d’oïl. Des linguistes ont  émis d’autres hypothèses pour tenter d’expliquer la différence entre les deux aspects du gallo-roman. Favoriser une des thèses proposées paraît,  pour le moins, difficile voire audacieux.

L’occitan  peut apparaître comme  une langue paradoxale,  même déconcertante, du fait de son apparente unité face à l’intercompréhension établie entre les différents dialectes qui la composent et entre l’occitan lui-même et les autres langues romanes (catalan, italien et même français).

Deux types de classification peuvent la décrire et illustrer cette contradiction. Une description supra dialectale, fonction de l’occitan pris dans son ensemble et non des dialectes qui la constituent. Dans ce cas elle apparaît comme une langue unifiée qui, en se normalisant,  peut représenter les autres. L’autre type, la classification intra dialectale, illustre l’aspect fragmenté de la langue occitane. Elle est formée en fonction de critères linguistiques définissant les divisions provinciales.

Site : http://wwww.marraine.com/Oc/Unite.php

L’occitan est une langue riche (un vocabulaire de 160000 mots soit 5 fois plus que le français qui a tiré profit de sa situation géographique, propice aux échanges linguistiques, unifiée autour de l’occitan central mais aussi fragmentée par ses dialectes pratiquant l’intercompréhension entre eux. Elle est également le support d’une communauté, d’une histoire, d’une culture, d’une civilisation qui a cherché à s’affirmer et se maintenir au cours des âges. 

2. / L’Occitan  de l’origine à la fin du Moyen-Âge

L’occitan a connu plusieurs appellations au cours du temps :
- « Lenga Romana » qui désignait la langue vulgaire par opposition au latin
- au IXème siècle apparaît une nouvelle désignation le « Lemosi » (imousin) qui ne désignait pas uniquement le limousin mais l’ensemble des dialectes d’oc
- aux XIIIème et XIVème siècles le roman s’oppose, dans de nombreux textes municipaux, au français, la langue du Roi
- le mot « proensal » ou «  proensales » (provençal) a également désigné l’occitan depuis le XIIIème siècle. Cette désignation continue, de par son ambiguïté, à être réservée au dialecte de Provence.

Comme déjà évoqué le terme de langue d’Oc, définissant le pays où l’on parlait cette langue a été évoqué en premier par Dante. De tous ces termes, langue d’oc et provençal sont les deux seuls qui ont survécu. Toutefois les connotations de ces deux termes avec la désignation, d’une part d’un département et d’autre part d’une zone régionale, font que l’appellation d’occitan s’est répandue et continue de le faire tout en préservant les noms des différents dialectes qui la constituent. L’administration royale elle-même, dès le XIVème siècle, l’a consacrée par reconnaissance aux fiefs méridionaux d’une spécificité en faisant un monde à part dans le royaume. On parla ainsi de « lingua occitania », de « patria », de « respublica occitania »  et en opposant le « lingua occitania » à la « lingua gallica » qui désignait le français.

Cependant le terme d’occitan n’est pas retenu par le félibre de l’est du Rhône.

Dès le IXème siècle les différentes langues issues du latin, déjà différenciées, vont éclore et s’exprimer par une littérature spécifique. La langue occitane apparaît dans quelques chartes avec des textes bilingues latino-occitan.

Des textes religieux commencent à être rédigés en occitan. Vers 1020, la « chanson de Sainte Foi », long texte poétique écrit en langue romane, laisse entrevoir la gestation d’une littérature occitane avec une grande pureté de la langue.
Toutefois jusqu’à la fin du XIème siècle  cette  littérature reste pauvre et surtout religieuse, consacrée à la vie des saints.
Apparaît par la suite une production épique et, avec les croisades, le développement de l’amour, de la prouesse guerrière et le sentiment de l’honneur et d’une foi religieuse et catholique. L’éclosion  d’une littérature  spécifique et originale se produit, concrétisée par les Troubadours, traitant les thèmes humains, profanes et religieux  de la fin du XIème  siècle jusqu’au XIIIème.

 - Troubadours et  Trobairitz

Etymologiquement « Troubadour » trouve son origine dans le mot «  Trobador » (« Trouveur » en occitan) dont le radical « Trobar » signifie « composer », «  inventer », « deviser ».

Les Troubadours sont poètes, musiciens, compositeurs et interprètent ou font interpréter leurs œuvres poétiques  par des jongleurs ou des ménestrels.

Ils ont développé pendant deux siècles cet art du chant courtois, lyrique, profane et religieux constituant ainsi la littérature la plus connue en langue occitane. Il nous reste les noms de 460 d’entre eux, identifiés de 1100 à 1290, pour plus de 2500 œuvres.

Si les troubadours, de même que les ménestrels et les trouvères ( poètes de langue d’oïl), sont présents dans la mémoire collective, il n’en est pas de même des « Trobairitz », ces femmes poétesses  lyriques et musiciennes qui, à la même époque que les troubadours, et en réponse à leurs œuvres, ont contribué  à enrichir cette littérature occitane  qui  a

 

marqué le Moyen-Âge non seulement dans le sud de notre pays mais aussi en Italie, en Espagne et au Portugal bien qu’elles ne furent présentes qu’en occitanie. Evoquons donc d’abord ce que furent ces trobairitz et leurs œuvres.
 
 2.1 / Les Trobairitz (7)

Avant que l’amour courtois, le « fin amor »,  n’apparaisse  dans les écrits et dans les mœurs au Moyen-Âge la situation des femmes n’avait rien d’enviable, leur  rôle étant souvent réduit à l’enfantement, de fils de préférence.

Seules les femmes nobles parvenaient à faire exception. Il peut donc sembler surprenant que des femmes aient pu entrer dans ce cercle de poètes et compositeurs   tant la nature du «Trobar » tend à  prouver que celui-ci était l’apanage des hommes.

 Pierre Bec écrit : «L’univers socio-poétique troubadouresque est essentiellement conçu pour et par les hommes, du moins au niveau de l’acte poétique lui-même » car chanter la dame, plus ou moins accessible, constitue le principal argument de la lyrique occitane.

Il y eut pourtant des femmes qui chantèrent l’art d’aimer et c’est même dans ce domaine qu’elles créèrent leurs plus belles œuvres.

 

 

 

 

Offre d’un chevalier poète à sa dame  

 

Seule l’Occitanie a vu l’émergence des « trobairitz »  car la situation des femmes y était, tout de même, plus favorable qu’ailleurs en Europe, car le droit d’un homme sur la dot de son épouse était réduit à l’usufruit et des droits égaux étaient attribués aux fils et filles célibataires dans le partage des biens paternels.
De ce fait plusieurs femmes, dès le Xème siècle, possédaient des fiefs. De même,  les décès de nombre de seigneurs au cours des Croisades leur donnèrent  le contrôle de fiefs habituellement régis par des hommes.

Les « trobairitz », dont on peut penser, au regard des éléments dont on dispose (8) et notamment les miniatures qui les représentent montrant la richesse de leurs vêtements,  qu’elles étaient nobles, souvent riches,  et vivaient dans des lieux où on cultivait l’art avec raffinement.

Dans « Las vidas dels trobadors » on les décrit comme nobles, cultivées, belles, courtoises, avenantes, de bonne réputation et sachant « trouver ».

 

 

 

Miniature de la « Trobairitz » 
Na de  Castelloza montrant la richesse des vêtements qui  tend à prouver sa noblesse

 

Leurs écrits se différencient  de ceux des troubadours par les raisons qui les motivaient. Les hommes y trouvaient souvent un moyen d’ascension sociale alors que les femmes y voyaient un moyen d’expression.

On peut diviser leurs œuvres en deux catégories : les monologues amoureux  et les dialogues poétiques.

La première comprend les « cansos » (9) et les « sirventes » (10) andis que la deuxième comprend les « tensons »(11).
 Leurs écrits peuvent être assimilés à des journaux intimes où les thèmes récurrents sont l’amour et ses soucis, le désir, le besoin de l’ami.
Elles y livrent  leurs sentiments les plus intimes dans un langage direct sans ambiguïtés et clichés. Il nous reste  très peu d’écrits des « trobairitz » (environ une trentaine  contre 2500 pour les troubadours) et encore moins de leur production musicale, puisque seule une musique de la Comtesse de Dia (ou Die) nous est parvenue.

- La Comtesse Béatrice  de Dia (ou de Die) est la plus célèbre, celle dont la représentation est la plus fréquente et figure dans tous les manuscrits.
Elle vécut au XIIème siècle (1140-1175).
La « vida » la concernant est la seule mention claire et plausible sur ce personnage mystérieux. Elle la décrit ainsi : «  La Comtesse de Die fut l’épouse du Seigneur Guillaume de Poitiers, belle et bonne dame. Elle s’enamoura du Seigneur Raimbaut d’Orange et fit sur lui maintes et bonnes chansons.»  Nous n’avons que quelques-unes de ses œuvres dont une seule avec sa musique.

 

 

 

 

 

 

La Comtesse Béatrice de Die

  
                                                     

- Na Alamenda vécut de la fin du XIIème siècle au début du XIIIème. Elle est l’auteur d’un « tenso » (débat poétique) avec le troubadour  Guiraut de Borneil.
Elle occupait une place importante dans la société littéraire. Elle pourrait être la même personne qu’Alamanda de Castelnau née en 1160 dans la même ville.

- Azalaïs de Porcairagues (fin du XIIème siècle, née vers 1140).
Présumée originaire de la contrée de Montpellier, vraisemblablement du castrum de Portiragues près de Béziers. Il ne reste d’elle qu’une chanson de 52 vers. Elle a aimé Gui Guerrejat, frère de Guillaume VII de Montpellier, et a composé un certain nombre de chansons pour lui, on suppose qu’elle fut la première « Trobairitz » connue.

- Na de Castedoza  est née vers 1200 et fut la Dame du Castel d’Oze. Ses poésies, dont il ne reste que 3 odes, sans leurs musiques,  ont pour sujet l’amour courtois.

(1235-1265) Provençale elle est une des dernières Trobairitz connues. Originaire de Rougiers. Sa seule poésie connue est un jeu-parti avec le troubadour Lanfranc

- Iseut de Capio noble du Gévaudan vraisemblablement issue de la famille du Tournel. On situe sa vie entre 1187 et 1250. Nombre de ses écrits furent des échanges avec Almoïs de Chateauneuf.

- Marie de Ventadour née en Limousin vers 1165, elle était la fille de Raimond II Vicomte de Turenne et de Hélis de Castelnau. Elle est  l’une des « Trois de Turenne » célèbres par leur beauté chantée par le Troubadour Bertrand de Born. Elle fut mariée à Elbe,  vicomte de Ventadour dont la cour était réputée pour son activité culturelle où l’amour courtois était célébré depuis longtemps. La seule œuvre  que nous ayons est un «  Tenson » de 1197 composé par elle et Gui d’Ussel. Elle décéda vers 1222.

 

 

Na de Castedoza Guillelma de Rosers

 

 

 

Marie de Ventadour

 

 

 

 

2.2 / Les Troubadours (12)

La poésie des Troubadours a indéniablement influencé la littérature des peuples romans. Elle a marqué les poésies galiciennes et de la Catalogne. On retrouve partout, tant sur le fond que sur  la forme et la technique, l’influence provençale, et notamment dans la poésie lyrique de la France de la langue d’oïl, comme le démontre M. Jeanroy dans son livre « Les Origines  de la Poésie lyrique en France ». Peut-on définir l’origine de cette littérature si influente durant les siècles qui suivirent ? 

La civilisation romaine a pénétré la Gaule par la Provence et le Languedoc où des écoles d’enseignement supérieur furent créées dans nombre de villes comme Bordeaux, Périgueux, Toulouse, Auch, Narbonne, Arles, Lyon, dès le IVème siècle et l’évangélisation des Gaules débuta dans le Midi, générant, par la conjonction de ces deux facteurs, une  vie intellectuelle et artistique qu’on ne trouvait pas ou plus dans d’autres parties de la Gaule.
Du VIème siècle au IXème la France du Nord, et surtout l’Occitanie, voit apparaître, en langue latine, une littérature scientifique, philosophique et religieuse, d’inspiration chrétienne. Le latin tend à devenir une langue morte qui n’est plus parlée que par des lettrés et  apprise, non par l’oralité, mais dans les livres.

Deux langues coexistent,  le latin langue culturelle et la langue romane parlée par le peuple.
Cette dernière, langue nouvelle, va se développer et s’épanouir dans une nouvelle culture en Occitanie, car c’est la seule terre apte à cette évolution, contrairement à la France du Nord dévastée culturellement par les peuples germaniques comme les Francs, à l’Italie affaiblie par l’effondrement de l’empire romain et à l’Espagne, sous occupation arabe, dont la loi islamique freine la culture autochtone. Apparaissent alors des textes religieux rédigés en occitan : sermons, préceptes et poèmes religieux.
C’est de cette période que date un poème  philosophique commentant le « De Consolatione » de Boèce et un autre sur Sainte Foy d’Agen,  vers 1020 environ, qui est le premier texte littéraire connu écrit en occitan. On pourrait être tenté d’expliquer l’apparition de ce mouvement poétique par la survivance de cette tradition littéraire et de faire de la poésie des troubadours l’héritière de la poésie  latine de la décadence. La vérité paraît, évidemment, bien différente comme le suggère  Joseph Anglade dans son étude sur les troubadours.

La langue d’oc, dont les limites géographiques n’ont pas varié au cours du temps, recouvrait les six dialectes, déjà évoqués, qui à l’origine étaient peu différents. Il se forma très tôt une sorte de langue littéraire qui s’imposa par les troubadours et qui demeura, à quelques petites différences près, la même de la fin du XIème siècle jusqu’au XIIIème. Le Limousin était le dialecte auquel cette langue  se rapprochait le plus. Et c’est dans celui-ci que les premières poésies des troubadours ont été écrites.
La  «langue limousine » fut alors la seule langue poétique non seulement du midi de la France mais aussi d’une partie de l’Espagne et de l’Italie. C’est en Limousin, au Poitou et en Saintonge  qu’apparurent les premières poésies de troubadours faisant ainsi de ces régions  leur berceau. Le premier d’entre eux fut Guillaume IX Comte de Poitiers. La langue Occitane permet alors l’éclosion d’une littérature  originale, celle des troubadours, élaborée dans une langue riche et précise qui traitera au cours des siècles suivants les grands thèmes humains, religieux et profanes.

2.3 / La littérature des Troubadours

L’art du «  Trobar » est un art courtois (de cour), tourné surtout vers la société aristocratique, les « bels entendens », avec pour thème principal l’amour idéalisé entraînant respect de la femme et tolérance. Guillaume IX, cité plus haut, étant le pionner fut  en quelque sorte « l’inventeur » de cette poésie chantée, qui accéda rapidement au rang des distractions les plus raffinées.

Cette poésie est essentiellement artistique, de l’art le plus raffiné.  Un bon nombre  de troubadours  furent de grands seigneurs et 5 rois (dont Richard Cœur de Lion et Alphonse d’Aragon) se sont exercés à cette poésie sans pour autant que leur contribution fut des plus brillantes. Il y eut aussi des  petits chevaliers, des clercs dont certains furent évêques et enfin des hommes d’origine plus modeste.

La poésie lyrique fut longtemps la seule à l’honneur et certains troubadours  furent étonnés, voire irrités,  des  succès rencontrés dans les cours par des contes et nouvelles. Ils ont un souci extrême de la forme où les métaphores abondent dans le but de couvrir la pensée d’une élégante parure. Ce souci de la forme devint parfois excessif  les amenant à avoir conscience de réaliser des œuvres parfaites et de tirer orgueil de leur art en se vantant de leur supériorité. Cette tendance pour s’éloigner du vulgaire les conduisit, surtout au cours de la première période,  à un style raffiné désigné sous le nom de « trobar clus » forme obscure fermée aux profanes, qui consiste à n’employer que des mots rares, difficiles, obscurs ou s’éloignant de leur sens ordinaire. Bien que ces textes paraissent clairs à priori leur sens  est si bien caché que leur interprétation suscite des doutes aujourd’hui encore. Le maître dans cet  exercice fut Arnaut Daniel que Dante et Pétrarque considéraient comme le plus grand des troubadours.

La poésie des troubadours va connaître un formidable essor en pays d’oc, déborder les Pyrénées en Catalogne et s’étendre jusqu’en Italie du nord. Elle se caractérise par son originalité, elle est très différente de celles qui l’ont précédée. La perfection de sa forme ne résulte pas de modèles  pris dans la poésie classique grecque ou romaine. Cette originalité qui fit d’abord sa force constitua par la suite un élément de faiblesse. Elle se manifesta dans la conception de l’amour que se sont fait les troubadours. Ils furent les précurseurs, dans les littératures modernes, pour exprimer avec éclat les sentiments inspirés par la passion. L’amour est conçu comme un culte quasi religieux. Ils en ont fait un principe de perfection littéraire et morale. Il obéit à des lois et des devoirs formant un code du parfait amant. Il existe un « service d’amour » comme il existe un « service de chevalerie », conduisant l’amant à se comporter comme un vassal vis à vis de son suzerain. Il n’en est pas pour autant  un esclave, il garde sa noblesse et, au titre de vassal, dépend corps et âme de son suzerain.
Ainsi Bernard de Ventadour écrit : «  Je suis, dame, votre sujet, consacré pour toujours à votre service, votre sujet par parole et par serment ».
 Toutefois le «  statut » de vassal n’était atteint qu’après avoir respecté 4 étapes vers sa conquête (soupirant, aspirant, amoureux et amant).
 On retrouvera au XVIIème siècle, en beaucoup plus  complexe, ce parcours vers la conquête de l’être aimé avec la carte du tendre chère  aux précieuses  et à Mme de Scudéry. On comprend que la patience   fut une qualité exigée par le code amoureux chez les troubadours. Pour  eux la discrétion était de mise et la dame était en général désignée par un pseudonyme qui était un senhal (signal). Cela s’explique par le fait que les troubadours n’adressaient leurs hommages qu’à des femmes mariées et que chanter l’amour à une jeune fille était exceptionnel.

Comme on l’a vu précédemment, certains étaient  des seigneurs et des  nobles  mais une bonne partie d’entre eux furent de naissance plus modeste. On y trouve  un enfant illégitime (Marcabrun), le fils d’un domestique   (Bernard de Ventadour).
D’autres, et parmi les plus célèbres, étaient ecclésiastiques, qui abandonnèrent le métier de clerc pour devenir troubadours. Folquet de Marseille, fils d’un riche bourgeois, fit le chemin inverse en entrant dans les ordres après sa carrière poétique et devint même évêque de Toulouse. Le Pape Clément IV fut lui-même  un ancien troubadour.  On a relevé  ainsi seize ecclésiastiques parmi eux. La bourgeoisie fournit aussi son lot de troubadours.

La plupart d’entre eux furent de grands voyageurs et, généralement,  ce furent ceux à qui la fortune n’avait pas souri qui durent voyager à travers le monde. Les troubadours avaient obligation de trouver des protecteurs et c’est dans le sud de la France, au nord de l’Italie et dans la péninsule ibérique qu’ils en trouvèrent le plus. On peut, à ce titre, citer la cour des rois de Castille et d’Aragon en Espagne, notamment celle d’Alphonse X, en Italie les marquis de Montferrat et d’Este, l’Empereur Frédéric II,  en France les comtes de Toulouse et de Provence, les vicomtes de Marseille, de Béziers, de Narbonne,  les seigneurs de Montpellier auquel il faut ajouter Richard Cœur de Lion.
Cet attachement à une société brillante et noble,  auprès de laquelle  la poésie des troubadours s’était développée, portait en lui  les germes de faiblesse et de décadence. Car le moindre changement de mœurs ou de condition pouvait entraîner transformation ou déclin de cette poésie.
La noblesse s’appauvrit en grande partie à cause des contributions aux croisades, de l’abus du luxe, des fêtes, des tournois et aussi du développement de la bourgeoisie. Mais le facteur majeur fut sans doute de devoir supporter, de Toulouse jusqu’au bord du Rhône, pendant et après la croisade contre les Albigeois, les conséquences de la défaite.
Les cours pouvant accueillir et protéger les troubadours devinrent de plus en plus rares et disparurent bientôt complètement.  Avec la décadence de la chevalerie débuta celle des troubadours. A fin du XIIIème siècle un petit nombre tentait de maintenir les anciennes traditions. Par ailleurs le tribunal de l’Inquisition, établi dans les principaux centres du Midi, eut aussi une influence. Avec l’inquisition, l’établissement de l’ordre des frères prêcheurs  eut pour conséquence un désintérêt envers  la poésie profane et l’église considéra la poésie comme un péché.

L’histoire de cette poésie est relativement brève puisqu’elle ne dura que deux siècles. Diez (13) l’a divisée en trois périodes, celle du développement, celle de l’âge d’or et celle de la décadence.
La première allant de 1090 à 1140, la deuxième de 1140 à 1250 et la troisième de 1250 à 1290.
Ces dates, qui n’ont rien d’absolu, délimitent assez bien ces trois périodes. La période considérée, notamment par Diez, comme la plus florissante fut celle allant de 1140 à 1250. Les plus grands troubadours se situent à la fin du XIIème siècle et on peut situer les prémices de la décadence au début du XIIIème.

 

 

2.4 / Les principaux troubadours et les genres traités

Avant d’aborder une rapide énumération des principaux troubadours  citons les genres traités dans leurs poésies.
Pour les genres d’origine populaire
- La Pastourelle qui est un dialogue entre un chevalier, en général le poète lui-même, et une bergère à qui, après quelques compliments, il offre son amour 
- L’aube, genre particulier où un personnage, ayant veillé toute la nuit sur un rendez-vous amoureux, annonce à son ami la naissance du jour et l’avertit du danger.
- Le congé,poésie où le troubadour annonçait à sa dame qu’il se séparait d’elle
-  L’escondig (excuse ou justification)
- Le descort (désaccord) poésie où le troubadour marquait sa tristesse ou sa colère de voir ses sentiments amoureux non partagés.
- Les ballades et danses  qui sont cependant assez rares.

S’y ajoutent les genres d’origine aristocratique :
- La «  Canso » (Chanson) occupe une place prédominante car elle est  une poésie consacrée uniquement à l’amour, thème préféré et essentiel chez les troubadours et les trobairitz. Elle est accompagnée d’une mélodie, se compose de 5 à 6  couplets écrits en octosyllabes. Elle est terminée par un ou deux envois   (tornada) destinés au protecteur ou au dédicataire
- Le « sirventés » dont l’origine du nom est toujours incertaine est une chanson satirique empruntant ses sujets à la vie publique et privée et excluant les histoires d’amour.
On en distingue plusieurs catégories.
Le sirventés moral ou religieux traitant des thèmes généraux de morale ou religion. Le sirventés politique ou personnel qui permet de pénétrer dans la société et de connaître la réalité et les mœurs du temps. On peut aussi ranger dans le sirventés les chants de croisade    où les troubadours exhortent les chefs de la chrétienté à délivrer la terre sainte.

On peut également y raccorder les «planh»(ou plaintes) sorte de chant funèbre composé par le troubadour à la mémoire de son protecteur
- La « tenson » qui, étymologiquement, indique une discussion sur une question quelconque. Elle résulte peut-être de la coutume consistant à organiser un concours de poésie sur un thème défini. Les sujets sont très variés.
 

 

 

Bertran de Born :
un des maîtres du Sirventés politique  

2.4.1 / La première période

- Guillaume IX Comte de Poitiers et Duc d’Aquitaine

Nous avons déjà vu qu’il fut le premier des troubadours. Son règne s’étendit de 1087 à 1127. et ses premières poésies datent des environs de l’an 1100. Il est né en octobre 1071. C’est un très riche seigneur, qui eut une vie active, désordonnée, joyeuse souvent, tournée vers les plaisirs qu’il s’offre à sa cour. Il est rustre et ses écrits sont un  mélange de délicatesse et de grossièreté où domine la sensualité.

En étant le premier poète occitan de poésie courtoise, du « fin amor » il en est un élément important. Il a défini les règles du poème chanté. . En 1101, il se croise avec 30000 hommes qui périront tous.

Il fut l’époux de Ermangarde d’Anjou, dont il divorça après l’avoir trompée, ce qui lui valut d’être excommunié.
Sa seconde épouse, Philippa, se retira dans la cité monastique de Fontevrault où elle rencontra Ermangarde. A la fin de sa vie, il se consacra à la religion et décéda en  février 1127. Onze pièces et chansons, seulement, nous sont parvenues

 

2                               1

Marcabrun                                                                                        Guillaume IX - Comte de Poitiers et Duc d’Aquitaine

 

 - Marcabrun ou Marcabru

Il s’agit d’un surnom, pseudonyme qu’il s’attribua car fils de Marcabruna, il fut abandonné devant la porte d’un riche, qui le prit en charge. On l’appelait aussi «  pain perdu » Il serait né en Gascogne à Auvillar. Diez situe son activité entre 1140 et 1195. Il  fut l’élève du troubadour Cercamon. Il reste de ce poète une quarantaine d’œuvres dont plusieurs se distinguent par leur fraîcheur et leur sincérité.

Cependant, une bonne partie de ses œuvres reste obscure car il fut un adepte du «  Trobar Clus ». Il est toutefois original pour avoir été misogyne.  Il est l’auteur de satires violentes contre l’amour et les femmes, ce qui est, pour le moins, paradoxal dans ce temps où la poésie est portée presque uniquement sur le thème de l’amour envers la femme aimée.

 

 - Jaufre Rudel

Troubadour aquitain, surnommé le Prince de Blaye, ville dont il fut le seigneur, il prit part à la 2ème croisade (1147-1149). Une légende lui attribue une aventure romanesque avec la princesse de Tripoli, dont il serait tombé amoureux, sans l’avoir jamais vue, sauf aux derniers moments de sa vie, puisqu’il est admis qu’il est mort  en terre sainte au siège de Damas en 1149. La plupart de ses chansons font allusion à cet « amour lointain » qu’il éprouva pour cette princesse. Pour lui, il n’y a qu’une sorte d’amour, la plus pure et la plus idéale. Il écrit «  Jamais je n’aurai joie d’amour, si je n’en ai de cet amour lointain ; car je ne sais, ni près ni loin, femme plus belle ni meilleure ; son mérite est si parfait que je voudrais, pour elle, vivre dans la misère, la-bas, au royaume des Sarrasins » Huit de ses poèmes nous sont restés.

 

Jaufre Rudel
à cheval

C’est un des plus grands noms de la poésie des troubadours. Sa biographie n’est que partiellement connue, à travers les vidas écrites un demi-siècle après sa mort. Il est né vers 1145 et ses vidas le disent enfant d’un homme d’armes et d’une boulangère au château de Ventadour en Corrèze et que son châtelain fit son éducation poétique. Certains autres éléments laissent supposer qu’il fut le bâtard d’un grand seigneur, Elbes II de Ventadour ou Guillaume IX d’Aquitaine lui-même. Ses poésies charment, elles sont distinctes de celles des autres troubadours par la naïveté, la sincérité et la délicatesse des sentiments. Il écrit par exemple «  Celui-là est bien mort, qui ne sent pas au cœur quelque douce saveur d’amour ; et à quoi sert de vivre sans amour, si ce n’est à causer de l’ennui aux autres » Il adressa ses premières poésies à Agnès de Montluçon, la femme de son seigneur.

Cette liaison poétique, admise par les mœurs d’alors, aurait pu durer si des médisants ne l’avaient pas discrédité auprès de son seigneur Elbes de Ventadour, ce qui provoqua son exil à la demande d’Agnès. Il se rendit à la cour d’Eléonore d’Aquitaine, duchesse de Normandie, petite fille de Guillaume IX de Poitiers. Divorcée du roi de France Louis VII depuis 1152,  elle était fiancée à Henri duc de Normandie et devint plus tard reine d’Angleterre. Elle était gaie et enjouée, avait un grand amour pour la poésie, beaucoup de sympathies pour les poètes et une légèreté de mœurs proverbiale. Il reste plusieurs chansons de Bernard de Ventadour, datant de cette période, où il se montre plus réservé. Il emploie souvent des pseudonymes pour désigner sa dame «  Belle-Vue » «  Confort, Aimant, Tristan » Il dut encore une fois quitter la cour d’Eléonore, à l’époque où elle fut reine d’Angleterre. Il partit alors pour celle du Comte de Toulouse Raimond V.

On n’a peu d’éléments sur son activité à la cour du Comte de Toulouse où il rencontra d’autres troubadours comme Peire Rogier, Peire Raimon et peut-être aussi Peire Vidal et Folquet de Marseille. Au cours de ce séjour il composa quelques chansons en l’honneur d’Ermangarde, vicomtesse de Narbonne. A la mort du Comte de Toulouse en 1194 il se retira dans l’abbaye de Dalon, située dans son pays natal, où il mourut vers 1195. Il connut la gloire et ses oeuvres sont présentes dans les anthologies des poésies des troubadours. C’est le poète de l’amour et il est un de ceux qui a le mieux exprimé son pouvoir ennoblissant «  la poésie n’a guère pour moi de valeur, si elle ne vient du fond du cœur, mais elle ne peut venir de cette source que s’il y règne un parfait amour. Que Dieu s’abstienne de m’enlever le désir d’aimer ».

 

 2.4.2 / La période classique

Cette période regroupe les troubadours qui se distinguent par la perfection de la forme de leurs œuvres et par l’élévation de leur pensée. On y trouve les troubadours du sud-ouest, berceau de cette poésie, où la plupart des plus grands d’entre eux naquirent.

 

                              

Bernard de Ventadour                                                             Arnaut de Mareuil

 - Arnaut de Mareuil

Né à Mareuil en Dordogne ( Périgord)  il est de petite naissance.
Clerc dans sa jeunesse, il abandonne cette condition pour parcourir le monde et chercher fortune. Il fut accueilli à Béziers à la cour  d’Azalaïs Comtesse de Burlatz, fille du Comte Raimond V de Toulouse, qui lui manifesta une grande estime. Il lui écrivit de nombreuses chansons. Cependant, conformément à une tradition, il eut un rival redoutable en la personne D’Alfonse II d’Aragon, amoureux de la Comtesse. Sous la pression du Roi, Azalaïs fut contrainte de se séparer d’Arnaut de Mareuil qui quitta la cour pour se réfugier auprès de Guillaume VII, seigneur  de Montpellier, où il passa la plus grande partie de sa vie.

 Les poésies lyriques (environ une vingtaine) qu’il composa ont presque toutes trait à l’amour. Il exprime cet amour, comme Bernard de Ventadour, avec sincérité, naïveté et délicatesse.
Il fait apparaître un genre nouveau avec l’épître, dans laquelle il se met en scène et dont il réalise un modèle du genre. On peut penser qu’il a introduit l’épître amoureuse dans la poésie provençale. Il est aussi l’auteur, sous le titre  d’enseignement d un petit poème didactique sur la société de son temps, ses idées morales, ses conceptions sociales et sur des considérations générales concernant la courtoisie, l’honneur, la vaillance la générosité et les belles manières, en bref, les qualités de l’homme parfait  qu’il voit n’exister que chez les chevaliers, les bourgeois et les clercs.

Dans cette même composition, après avoir énuméré les qualités qu’il voit chez la femme distinguée : connaissance, belles manières, générosité, il ajoute « à la femme convient parfaitement la beauté, mais ce qui l’orne le plus c’est le savoir et la connaissance »  Il ne s’agit, pour cette époque, que de l’évocation des qualités d’esprit et de cœur. Son activité poétique semble s’étendre de 1171 à 1190 environ.

 

 - Guiraut de Bornelh

Compatriote et contemporain d’Arnaut de Mareuil, il naquit en 1138 dans une famille modeste. Il eut une grande réputation qui lui valut l’appellation de « Maître des Troubadours ». La majorité des 90 poésies qu’il composa est consacrée à l ‘amour. On suppose qu’il résida assez longtemps en Espagne, dans les cours de Navarre et de Castille et principalement auprès du roi d’Aragon Pierre II.

Son activité semble s’étendre de 1175 à 1220. Avec une conception de l’amour identique à celle des troubadours de son époque, il se distingue, comme Bernard de Ventadour, par une sincérité naïve qui en fait le charme. Il se caractérise aussi par une tendance à exposer ses pensées sous forme de dialogue en se dédoublant. Il s’interroge lui-même et fait les réponses. Ainsi ce monologue devient dialogue et prend souvent une forme dramatique. Cependant, un abus de l’esprit introduit dans cette forme de dialogue trop d’art et d’artifice (14). Il est témoin de la transformation survenue à la fin du XIIème siècle. Les grands seigneurs ne sont plus tournés vers la poésie et la joie, mais plutôt vers la guerre, voire les pillages.

 

 

                              

Guiraut de Bornelh                                                             Arnaut Daniel

 - Arnaut Daniel

Chevalier périgourdin, il naquit à Ribérac vers 1150. Après s’être adonné à l’étude des Sciences, il s’orienta vers la poésie. Il aurait vécu à la cour du roi d’Angleterre Richard cœur de lion. Il sacrifia aussi à une forme de pratique du «  Trobar Clus »  en faisant rimer les mots, non pas dans la même strophe mais d’une strophe à l’autre.

Ainsi, d’après Dante, il fut l’inventeur de la «  sextine » où les six rimes enjambent, suivant un  certain ordre, de l’une à l’autre des six strophes.  Il fut un maître dans la pratique de cet « art » où  jeux de mots, allitérations, recherche de rimes rares, mots détournés de leur sens premier, mots nouveaux, pensée allant sans réel fil directeur, était destinée à dérouter le lecteur profane au profit de l’auditeur ‘’  éclairé ‘’.
Cette forme obscure de poésie  lui valut l’éloge de Dante et de Pétrarque qui l’ont respectivement appelé «  Le chantre de l’amour »  et « Le grand maître de l’Amour et de la poésie »

 

  - Bertran de Born

Né vers 1140 il était le Seigneur du château d’Hautefort, sur la commune de Salagnac en Dordogne, à la frontière entre Limousin et Périgord. Il prit part aux luttes politiques en Limousin au cours de la deuxième moitié du XIIème siècle. Ayant passé une bonne partie de sa vie à  guerroyer, il fut le chantre de la guerre.

Les quelques chansons amoureuses, qu’il a composées, furent de moindre qualité face à celles dédiées à la guerre. Par contre il règne dans le domaine des poésies politiques. Il eut une vie fort agitée par son implication dans les luttes entre les fils de Henri de Plantagenêt, ce qui eut un impact sur l’éclat de ses poésies qu’on retrouve rarement chez les autres troubadours. Il donna naissance à la satire politique et, avec elle, s’attaque à de nombreuses têtes couronnées comme les rois d’Angleterre, Philippe Auguste, le roi d’Aragon, Alphonse II.

Par cette particularité il offre un grand contraste entre sa poésie farouche, brutale et les chansons amoureuses des premiers troubadours. Il mourut vers 1215.

                     

                              

Bertran de Borne                                                             Raimbaut d’Orange

 - Raimbaut d’Orange

Raimbaut d’Aurenja, en occitan, dont le nom complet est « Seingner d’Aurenga e de corteson e de gran ren d’autrez castels » est né entre 1140 et 1145 à Orange. Il mourut le 10 mai 1173 à Courthézon.
Il était suzerain d’importants domaines, dans la région de Montpellier et Maguelone  par son père et par sa mère Seigneur d’Orange. Il est le plus ancien des troubadours de Provence. Son activité poétique semble s’étendre de 1160 à 1173. Résidant surtout dans son château de Courthézon il y accueillait, en tant que mécène, ses confrères troubadours comme Peire Rogier et Guiraut de Bornelh.
Il est avec Marcabru  un des premiers à cultiver le style obscur du « Trobar clus » en ne reculant devant aucune exagération et prestidigitation poétique dans le cadre de ce style. Cette recherche d’artifices complexes contribue à mettre en doute la sincérité de ses sentiments amoureux. Il apparaît plus comme un excellent artiste amoureux des difficultés et précieux.  Se montrant  par ailleurs conscient de son talent  il se vante sans modestie en déclarant par exemple « Depuis qu’Adam mangea la pomme, le talent de plus d’un, qui mène beaucoup de bruit, ne vaut pas une rave auprès du mien »  Il fut aimé, plus qu’il ne l’aima, de la Comtesse Béatrix de Die, qui lui consacra 5 chansons. Il n’a jamais répondu comme il convenait à cet amour.

 

 - Pierre d’Auvergne ou Peire d’Alvernha

Contemporain de Bernard de Ventadour, Guiraut de Bornelh et Arnaut de Mareuil, il était le fils d’un bourgeois de clermont-ferrand. Son activité poétique va de 1158/60 à 1180 environ. Il se destina d’abord à la carrière ecclésiastique et fut pourvu d’un canonicat. Il fut aussi un des représentants du style obscur et ne fut pas un adepte de l’humilité comme le prouve ce qu’il écrit « Jamais avant moi ne furent écrits des vers parfaits ».

 Le sentiment de sa propre valeur se traduit par la rédaction du premier essai de satire littéraire, dans lequel il cite une douzaine de poètes contemporains et les gratifie d’épithètes peu flatteuses, cyniques, voire grossières.
Il fréquenta  la cour d’Ermangarde, vicomtesse de Narbonne, et celle de Raimond V de Toulouse qui furent les cours les plus brillantes du sud de la France. Il est l’auteur, en dehors de celles consacrées à l’amour, de quelques poésies religieuses

                              

Pierre d’Auvergne                                                             Peire Vidal

- Peire Vidal

Fils d’un marchand peaussier de Toulouse, il est né aux environs de  1150. Il fut reconnu comme bon troubadour, chantant à merveille et pourvu d’une grande facilité à inventer et composer. Son œuvre, qui compte une cinquantaine de pièces, fait apparaître cette remarquable facilité, un développement clair et abondant, apparemment obtenu sans effort. Sa lecture reste facile encore aujourd’hui. L’autre aspect de sa personnalité a conduit son biographe à dire de lui « Il fut l’homme le plus fou du monde »  Ce que justifie l’histoire de sa vie.

Il a parcouru le monde ouvert à la civilisation occitane, célébrant les dames le protégeant et mettant son art au service des grands, dans ses sirventès. S’étant d’abord fait une ennemie de la Comtesse Azalaïs  Barral de Baux, épouse du seigneur de Marseille, il dut partir à la demande de celle-ci. Il se réfugia en Italie, à Gênes, mais fut rappelé par la Comtesse, qui le regrettait, et revint à Marseille. Il fréquenta ensuite la cour de Raimond V de Toulouse.
A la mort de celui-ci il exprima sa tristesse, non par une poésie, ce qui était généralement de rigueur, mais de façon très singulière en faisant couper la queue et les oreilles de ses chevaux et en rasant la tête de ses domestiques. Il garda longtemps le deuil de Raimond V puis partit, en Provence, auprès d’Alfonse II roi d’Aragon. Il s’embarqua aussi avec Richard cœur de lion pour la terre sainte et en route fit un séjour à Chypre où il épousa une grecque.

Ayant cru que son épouse était de sang impérial, il prit le titre d’Empereur  et exigea qu’on appelât son épouse Impératrice. Il semble qu’il termina sa vie à Toulouse, sa ville natale, où il mourut aux environs de 1215
 

 

 - Folquet de Marseille

Folquet de Marselha, en langue d’oc, connu aussi sous le nom de Folquet de Toulouse, était le fils d’un marchand de Gènes établi à Marseille. Il serait né vers 1155. Après avoir exercé quelques temps la profession de son père, il s’adonna à la poésie et devint troubadour. Le milieu dans lequel il vivait était  favorable à la poésie et Gènes fournira, un peu plus tard, de nombreux troubadours. Dante le place dans son « Paradis » et Pétrarque le cite dans ses « Triomphes d’Amour ».

Marseille, siège de la seigneurie de Barral de Baux  (comme évoqué avec Peire Vidal) protégeait avec grande sympathie la poésie provençale. Folquet chanta lui aussi Azalaïs. Dans ses chansons, il apparaît qu’il fut plus repoussé qu’attiré, car elles sont emplies de plaintes sur son amour malheureux. Il développa ce thème toutefois avec subtilité et préciosité. Il dut, lui aussi quitter Marseille à cause de la Vicomtesse qui aurait exigé son départ par jalousie envers sa belle sœur Laure de Saint Jorlan. Il partit alors se réfugier auprès du seigneur de Montpellier, mais y resta peu de temps et revint à Marseille.

La mort du Vicomte Barral de Baux l’affecta beaucoup et selon son biographe à un tel point qu’il se rendit  à l’ordre de Cîteaux avec sa femme et ses deux enfants. Il devint, en 1201, abbé de la riche abbaye de Tholonet  en Provence, puis évêque de Toulouse en 1205 jusqu’à sa mort en 1231. Par esprit de mortification il brûla ce qu’il avait aimé et renia ses poésies profanes. Il fut mêlé, en tant qu’évêque de Toulouse, aux évènements de la croisade contre les Albigeois  et s’y comporta de façon inattendue, de la part du gracieux troubadour qu’il fut, en se ralliant à Simon de Montfort, Sa vigueur dans sa répression de l’hérésie lui valut d’être sanctifié par l’Eglise. Il est un Bienheureux, vénéré le 25 décembre.
 

Folquet de Marseille

2.4.3 / La période albigeoise

Le XIIème siècle semble avoir été la période la plus brillante pour la noblesse méridionale et celle de la splendeur de la poésie des troubadours. Dès la fin du XIIème et au cours de la première moitié du XIIIème siècle commence la période de la décadence. Le siècle devient grossier, les grands seigneurs sont moins généreux, voire durs et avares. Ils accueillent moins le talent des poètes et sont moins ouverts aux fêtes et amusements. On peut y voir deux causes principales, leur goût  nouveau pour la guerre et les pillages et l’appauvrissement résultant des fêtes, des goûts de luxe et des  prodigalités. Ainsi le haut degré de culture

atteint lors de la période faste, la vie brillante et facile qui s’y rapportait  disparaissait peu à peu et la décadence tendait à conduire cette société à sa ruine. De plus l’érection des consulats dans les  grandes communes conduisit au développement de la bourgeoisie et des marchands qui s’enrichissaient,  réduisant de ce fait l’influence et la puissance de la noblesse, notamment dans les grandes villes comme Arles, Marseille, Montpellier, Avignon, Narbonne, Toulouse.

Enfin, dès le début du XIIIème siècle, une autre cause, autrement plus importante, vint s’ajouter avec la lutte d’une armée de croisés contre l’hérésie cathare. Le Pape Innocent III appela contre les seigneurs du Midi, jugés trop faibles et indulgents envers les hérétiques, les barons du Nord. Par son action Simon de Montfort ravagea le Languedoc faisant tomber les principales forteresses. On imagine fort bien ce que devait devenir la poésie face à  ces combats armés.  Il n’y avait plus de place pour la poésie et plus particulièrement pour la poésie courtoise.

Ainsi un troubadour toulousain exilé en Italie déclarait «  Quel chagrin de voir la différence entre la société d’hier et celle d’aujourd’hui » Dès lors la poésie des troubadours, qui continuaient à s’exprimer, s’orienta plus vers une satire contre la croisade et les auxiliaires des croisés. Citons-en quelques-uns.

 - Peire Cardenal

Né en 1180, de parents nobles du Puy-en-Velay, il est le grand troubadour de cette période du début de la décadence. Il était destiné à l’état ecclésiastique et son père l’établit comme chanoine au chapitre du Puy (le Puy étant alors le premier centre marial de la chrétienté).
Mais, à l’âge adulte, se sentant beau, jeune et empli de joie, il s’orienta vers la carrière de Troubadour. Il composa quelques chansons mais écrivit surtout des sirventès  dans lesquels il châtiait avec rudesse les mauvais prêtres.

A l’image de Marcabru, il apparaît plutôt misogyne et s’attaque sans ménagement à l’amour vénal   comme en témoigne cette chanson «  Les amoureuses, quand on les accuse, répondent gentiment. L’une a un amant parce qu’elle est de grande naissance, et l’autre parce que la pauvreté la tue ; l’autre a un vieillard et dit qu’elle est jeune fille, l’autre est vieille et a pour amant un jeune homme ; l’une se livre à l’amour parce qu’elle n’a pas de manteau d’étoffe brune, l’autre en a deux et s’y livre tout autant ».

Toutefois c’est dans la satire morale et politique qu’il affirme sa supériorité. Il juge avec sévérité et dénonce la société de son temps. Il a pour thèmes favoris l’amour des richesses, la soif des jouissances, le triomphe de l’injustice, de la convoitise, du mensonge, de la fausseté et le relâchement des mœurs en général. C’est l’orgueil et la méchanceté des parvenus qui le choquent encore le plus, il écrit « Quand un homme  puissant est en chemin, il a comme compagnon, devant, à coté, derrière lui  le Crime, la Convoitise est du cortège, le Tort porte la bannière et l’Orgueil le guidon »
Il consacra aussi ses satires contre les croisés et les membres du  clergé. Il reprocha aux premiers leur intempérance et leur cruauté en disant notamment que « leur plaisir consiste à tuer des innocents » mais c’est  aux seconds qu’il réserva ses satires les plus vigoureuses. Il est sincèrement croyant, autant qu’anticlérical enragé, en leur portant une profonde haine. Il leur attribue nombre de vices : simonie, débauche, soif des richesses et va jusqu’à les traiter de criminels, sous leur aspect de bergers, en les comparant à Isengrin, qui, pour dévorer les brebis dans un enclos, s’était revêtu d’une peau de mouton.
Ces satires font référence aux arguments les plus souvent évoqués  contre l’église et ses serviteurs à savoir la recherche de puissance politique, la main mise sur les cœurs et l’amour des richesses, tellement en opposition  avec la pauvreté de l’Eglise primitive

Il entre en 1204 au service de Raimond VI de Toulouse et, ayant soutenu sa cause, il se retrouve, à la mort de celui-ci, sans protecteur. Il trouve refuge dans diverses cours des seigneurs ayant survécu aux  luttes contre les croisés. Il décéda, dit-on, en 1278, à presque cent ans !

 

                              

Peire Cardenal                                                            Raimond de Miraval

 

 - Raimond de Miraval

Chevalier du petit château de Miraval (aujourd’hui Miraval-Cabardès près de Carcassonne) né vers 1195, il semble bien ne  pas avoir perçu le changement important qui s’opérait en ce début de XIIIème siècle. Il aurait mené une vie insouciante et joyeuse auprès des principaux seigneurs de Narbonne à Toulouse.

Il fut un des poètes favoris de Raimond VI de Toulouse. Après la prise de son château, par Simon de Montfort en 1209, il se réfugia auprès de  Pierre II d’Aragon. Il mourut vers 1229.

 - Bernard Sicard de Marvejols

Originaire de Marvejols, en Lozère, sa vie est peu connue. Son œuvre est un sirventès  sur les tribulations du pays occitan après la croisade des albigeois et les exactions de Simon de Montfort. Avec Cardenal, Guilhem de Figueira (contre la papauté) , Guilhem Montahagol( contre les Dominicains inquisiteurs), et Raimond de Cornet (contre l’église et ses représentants) il fut une des grandes voix qui s’opposa à l’invasion des seigneurs du nord en pays d’oc

 - Guilhem Figueira

Fils d’un tailleur de Toulouse, il naquit vers 1195. Son milieu de naissance et d’existence ne le prédisposait pas à respecter la papauté. On lui doit de ce fait la satire la plus violente du moyen âge contre cette puissance.

On peut y lire «  Rome trompeuse, la convoitise vous trompe aussi, car à vos brebis vous tondez trop de laine. Rome, aux hommes simples vous rongez la chair et les os, vous foulez aux pieds les commandements de Dieu, et votre convoitise est trop grande, car vous pardonnez les pêchés pour de l’argent, vous vous chargez d’un grand fardeau de crimes. Puisse Dieu  vous abattre et vous faire déchoir car vous régnez pour l’argent » Il s’exila en Italie en 1233, pour fuir l’inquisition ; il y résida, en Lombardie, auprès de l’Empereur Frédéric II. Son œuvre fut interdite par les inquisiteurs à partir de 1235.
 

Guilhem Figueira  


 2.5 / Le déclin de la poésie du pays d’oc, les derniers troubadours

Les évènements de la croisade albigeoise eurent une influence décisive sur la poésie des troubadours et sur les mœurs en général. L’installation des frères prêcheurs Dominicains (parfois nommés les « chiens du maître » Domini canis en latin, ce qui peut, naturellement,  faire penser à la dénomination Dominicain),  va rapidement s’étendre et permettre à la congrégation de posséder 44 couvents dans le Midi.

La plupart se situe dans les villes qui avaient le plus souffert, comme Toulouse et Béziers, qui sont les premières à en avoir. Apparurent ensuite d’autres ordres religieux comme les Franciscains et les Jacobins.
De ce fait, ces différents ordres entraînèrent une transformation des mœurs. Le tribunal de l’inquisition accentua cette influence par la rudesse, pour le moins, qu’il mit en œuvre pour ce faire. Dès lors, le sentiment religieux s’est développé, accentuant  le domaine de la poésie religieuse chez les troubadours, où elle était déjà présente, mais à plus petite échelle.
Les poètes s’adaptèrent et suivirent le goût du jour. En  ce XIIIème siècle (principalement dans sa deuxième moitié), période de décadence de la poésie occitane, le nombre d’œuvres religieuses fut important. On passa alors d’une lyrique amoureuse à une lyrique religieuse inspiratrice de l’amour  céleste, au culte de la vierge Marie qui, dès lors, fut  assimilée à la Dame (Dona) pour qui le fidèle fut  le chevalier servant.  Peire Cardenal est un des premiers à écrire en son honneur. Guilhem de Montanhagolfut l’apôtre de cette mutation de l’amour courtois en amour mystique.     

Guiraut Riquier, considéré comme le dernier des troubadours, fut le représentant de cette  poésie religieuse, non par inclination personnelle mais par adaptation à la tendance de l’époque,  en prenant  conscience des modifications radicales des mœurs et du désintérêt pour l’amour courtois. Il le regretta en écrivant « je suis venu trop tard parmi les derniers ».Né à Narbonne vers 1230, dans une famille plutôt obscure, il vécut jusqu’en 1290.  Narbonne était une des villes les plus importantes du Midi, majoritairement peuplée de bourgeois et de commerçants, dans laquelle il ne fut pas très heureux.

Ses premières poésies lyriques furent adressées à la vicomtesse de Narbonne. Cette ville à l’inverse de Béziers et Carcassonne n’avait pas trop souffert de la guerre, en se déclarant pour Simon de Montfort.  L’activité poétique de Guiraut Riquier, se situant dans la deuxième  moitié du XIIIème siècle, où la population s’était ralliée au nouveau régime des conquérants du nord, fut conforme à celle de ses contemporains en n’exprimant ni révolte ni regret. Il quitta sa ville pour chercher asile auprès d’autres protecteurs plus puissants et s’adressa directement au roi de France saint Louis.
Celui-ci n’accéda pas à sa demande car il considérait, comme son épouse Marguerite de Provence, la poésie comme un art frivole, et qu’il n’y avait pas, en outre, de place pour un poète de langue étrangère dans une cour où même les poètes français avaient peu de crédit. . Il se réfugia, alors, auprès du roi de Castille Alphonse X. Il y demeura jusqu’en 1279. Il eut nombre de déboires dans les dernières années de sa vie et, n’ayant pas été accueilli par les rois du Portugal, de France et d’Angleterre, il trouva refuge auprès du Comte de Rodez, Henri II, dont la cour fut la dernière à honorer la poésie des troubadours. La poésie profane devenue    ‘’ pêché ‘’ laissa toute la place à la poésie religieuse qui devint la seule admise et même comprise, marquant ainsi la fin de l’évolution de la poésie des troubadours. Les chansons  à la Vierge devinrent alors ce qu’on pourrait appeler «  la poésie officielle ».

Avec Guiraut Riquier, en cette fin du XIIIème siècle, après avoir rayonné pendant près de deux siècles, non seulement en pays d’oc mais aussi  dans d’autres pays d’Europe du sud et même en Allemagne, disparaissait le « trobar » et la poésie en pays d’oc. En Italie, des poètes  maintinrent le flambeau des troubadours. Dans la partie  nord de la France, les Trouvères chantaient le désir de l’amour et dans les cours de Champagne, de Bretagne et des Flandres, l’art du « Trobar », venu du sud, allait inspirer nombre de poètes qui iront, à leur tour, contribuer à la volonté étatique d’expansion et de domination de la langue française sur l’ensemble du territoire.
               
3 / L’Occitan de la fin du Moyen Âge à la Révolution
               

3.1 / Le Gai savoir et les Jeux  Floraux de Toulouse.

En 1323, soit ¼ de siècle après la disparition de Guiraut Riquier, sept bourgeois toulousains voulurent rallumer ce flambeau éteint. Ils fondèrent une académie littéraire appelée la «  Sobregaya Campanhia dels VII Trobadors de Tolosa » ( « Compagnie très gaie de sept troubadours de Toulouse ») afin de donner de la joie et du bonheur aux hommes. Ils instituèrent des concours, se considérant comme les successeurs des anciens troubadours, ouverts uniquement en langue d’oc, à tous les poètes du Languedoc et dotés d’un prix en forme de violette d’or fin.

Ils établirent un code poétique baptisé « les lois d’amour ». Cette nouvelle école prit le titre de «  Consistoire de la Gaie-Science ou Gai-Savoir » Cependant, les compositions qui furent proposées étaient essentiellement morales et religieuses, des hymnes à la Vierge.
Le culte de la Vierge remplaçait l’ancien culte de la femme. La monotonie prévisible du thème fut la caractéristique de cette poésie des XIVème et XVème siècles. Des jeux semblables furent créés à Barcelone en 1393, sous les auspices des rois d’Aragon, et maintenus jusqu’au XVème siècle.
Au XVIème siècle, en 1515, le consistoire du Gai-Savoir se transforma en «  Compagnie des Jeux Floraux » sous l’égide d’une légendaire, et donc vraisemblablement mythique, Dame Clémence Isaure (son existence n’étant pas prouvée) à qui on attribua le mérite de l’avoir fondée.

En 1694 la Compagnie des Jeux Floraux renonça à la langue d’oc pour le français. Elle prit le nom d’académie et se rangea sous l’égide de Louis XIV. Elle perdure encore aujourd’hui et est hébergée dans le somptueux hôtel d’Assézat, de style renaissance, bâti à la fin du XVIème.

Elle poursuit la promotion de la langue d’oc, depuis que Mistral, en 1895, réintroduisit cette langue. Avec cette académie, jusqu’au début du XVème siècle, l’occitan résista à l’intrusion du français et resta la langue de tous. Cependant la volonté des rois de France était bien d’étendre cette langue du nord et d’instaurer une centralisation francisante.
Cela se traduisit, dans un premier temps, pour le consistoire du Gai-Savoir, comme nous l’avons vu, par le remplacement de la langue d’oc par le français. De même on imposa le français aux  parlements occitans comme à Toulouse en 1444 et Bordeaux en 1470.

 3.2 / L’Edit de Villers-Cotterêts

Le pas le plus important fut franchi par François 1er, qui en août  1539, fit promulguer l’Edit de Villers-Cotterêts  selon lequel on devait employer dans tout le royaume de France «  nul autre langage que le vulgaire » françois » dans les textes juridiques et administratifs, annulant ainsi l’ordonnance de 1531 (laquelle confirmait celle de Louis XII de juin 1510) actant la rédaction « en langue vulgaire du pais et des contractans » aux fins de bonne compréhension des textes par les témoins et criminels.

Il était à craindre que le français allât chasser la langue d’oc du peuple qui lui était encore fidèle. Il n’en fut rien et, chez les occitans, leur langue continuait à vivre au quotidien. Ce mouvement de résistance, sinon de révolte, prit naissance en Gascogne et au Béarn encore indépendants vis à vis du français, car la Navarre n’était pas concernée par l’Edit de 1539 et sa langue officielle demeurait l’occitan. Ainsi, le Gascon  Pey de Garros, appuyé par la Reine Jeanne d’Albret, rédigea des catéchismes et traduisit les Psaumes en béarnais. Ce signal enclencha une renaissance qui gagna toute l’Occitanie.
Elle parvint en Provence où Jean de Nostredame, le frère du rédacteur des Centuries,  abandonna le français pour rédiger en occitan. Elle arriva aussi en Languedoc avec Auger Galhard. Bien que ce XVIème siècle ait vu l’installation administrative du français comme langue officielle du royaume, l’occitan persista et devint la langue du peuple, qui s’opposait à l’emprise du français. De fait, le français ne s’imposa  quasiment que comme langue administrative et n’entama pas l’usage de la langue parlée.

Cette renaissance, débutée au XVIème siècle pourrait paraître éphémère devant «  l’assaut » du français d’autant, que de plus en plus, «  on monte à Paris » et des écrivains  considèrent que leur promotion sociale passe par leur adhésion au français et leur déplacement à Paris. Des écrivains occitans, comme Montaigne et Marot, abandonnent leur langue maternelle au profit du français, attirés par l’attrait de Paris, de sa cour, propices à leur réussite.

Marot écrit  dans Enfer : «  Car une matinée n’ayant dix ans, en France fut meiné ; Là où depuis me suis tant promeiné que j’oubliay ma langue maternelle et grossement aprins la paternelle langue françoyse és grands courts estimée » Dès lors l’occitan va connaître une période critique.
Toutefois la renaissance de ce début de XVIème  résiste et s’épanouit. Bertran Larada (15) relance le mouvement avec la Margalida Gascona où il affirme que le gascon est une belle langue, seule apte à exprimer ses pensées. Il n’est pas le seul  et 1610 voit fleurir nombre de chefs-d’œuvre de valeur avec Guilhaume Ader, avec le « Gentilhomme Gascon », Godolin (16)  avec un poème relatif à la mort d’Henri IV.

 

 

 

D’autres œuvres en occitan sont couronnées de succès, notamment  celle de Grégoire de Barutel  par le Collège de Rhétorique en 1651. C’est l’époque du baroque et l’occitan en devient l’une des plus grandes langues. Le clergé lui-même prend conscience de l’importance de cette langue du peuple. Malheureusement cette prise de conscience ne s’ancre pas suffisamment dans le peuple et l’administration française francophone progresse régulièrement.

Ainsi la Navarre, qui sous Henri IV avait pour langue officielle l’occitan, voit le français entrer au parlement en 1621, en excluant la langue d’oc. L’insuccès de cette renaissance linguistique et culturelle est aussi en grande partie liée au fait que Paris représente l’officialité linguistique et que Richelieu, voulant imposer cette langue, prend prétexte de la lutte contre le protestantisme, bien présent en Occitanie, pour,  dès 1630, dévaster cette région qui s’est embrasée. Il veut soumettre ces «  néo-albigeois » et instaurer le pouvoir parisien centralisateur dont on connaît bien les effets encore aujourd’hui. 

3.3 /La Révolution

Le mouvement s’accentue, les couches élevées se francisent de plus en plus tandis que le peuple conserve et développe cette conscience occitane. L’Occitanie offre à la France des écrivains s’exprimant en français comme Montesquieu, Fénelon, Rivarol tandis que, grâce à des auteurs comme Godolin, apparaissent des lettrés qui conservent la langue d’oc, comme l’abbé de Sauvages, qui a laissé un important dictionnaire languedocien-français.
On va même redécouvrir les Troubadours et Joseph Thomassin de Mazaugues, Lacurne de Saint-Palaye ou Séguier étudient les manuscrits des anciens poètes, permettant ainsi à l’abbé Maillot la publication d’une Histoire littéraire des troubadours en 1774. La conscience régionale est très forte et en 1789 les députés des Etats Généraux venant des Provinces  occitanes se montrent favorables à une autonomie provinciale et désirent notamment maintenir le parlement de Toulouse. Nombre de représentants du peuple sont favorables  au respect des différentes langues de provinces et les décrets révolutionnaires sont, au début, fédéralistes sur le plan linguistique.

Cette tendance à faire revivre les langues régionales favorise l’acceptation de cette révolution. En janvier 1790 les décrets sont traduits en Occitan ainsi que la déclaration des droits. Devant la réalité linguistique de la France, cet usage de la pluralité des langues se poursuit jusqu’à la Terreur.
En effet, les jacobins, hostiles à la pluralité et ancrés dans leur volonté d’unité et de centralisme, se battent pour imposer le français comme la seule langue du pays. Le départ de ce combat,  visant à condamner les langues régionales, est donné par le rapport que l’abbé Grégoire présente  à la Convention le 16 Prairial An II (4 juin 1794) sur « La nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française ».                       

Dans ce texte, l’abbé Grégoire déclare que la langue française, qui est une langue classique de l’Europe usitée dans plusieurs de ses villes et même au Canada, est encore ignorée d’une grande partie des français. Il déplore qu’il existe encore, sur notre territoire, environ 30 patois et qu’il n’y ait qu’environ 15 départements de l’intérieur où le français soit exclusivement parlé. Il dit «  On peut assurer qu’au moins 6 millions de français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale, que ceux qui la parlent purement n’excèdent pas 3 millions et le nombre de ceux qui l’écrivent est encore moindre » Il reconnaît qu’une langue ne peut être universalisée mais qu’une grande nation se doit d’uniformiser son langage.

 

 

L’abbé Grégoire

 

 

 

L’abbé Grégoire sollicite le zèle des citoyens, par la persuasion, en leur prouvant que l’usage du français est important pour la conservation de la liberté et permet de briser l’obstacle des dialectes à la propagation des lumières, qu’une langue est toujours la mesure du génie d’un peuple et  que l‘unité de cette langue, entre les enfants, éteint les restes des  préventions résultant des anciennes divisions provinciales, et resserrent les liens d’amitié.

En conclusion, l’identité de langage extirpe les préjugés, développe toutes les vérités, tous les talents, toutes les vertus, fond tous les citoyens dans la masse nationale, simplifie les mécanismes et facilite le jeu de la machine politique.

Un autre rapport, du même ordre, avait été présenté à la convention, quelques temps auparavant, le 8 pluviôse an II (27 janvier 1794)  par Bertran Barère de Vieuzac, député occitan né à Tarbes en 1755, en faveur de la langue française.
Il y dit notamment que la langue d’un peuple libre doit être une, et la même pour tous, c’est-à-dire le français, car les autres langues sont considérées comme des «  jargons barbares » et «  des idiomes grossiers » qui ne servent que les fanatiques et les contre-révolutionnaires.

A l’issue de cette séance la convention décrète la nomination d’un instituteur dans les communes des départements parlant « une langue étrangère ».  Ainsi à Revel, l’agent national du district, M. Vidalot, envoie une lettre à la société populaire de la ville ainsi libellée (17) :
«  Citoyens,
La Convention nationale, ayant senti l’importance d’une loi pour l’enseignement de la langue française aux citoyens des divers départements de la république où l’on parle des idiomes différents, vient de m’ordonner par sa lettre du 28 prairial (16 juin), de mettre en exécution, dans 10 jours, son décret du 8 pluviôse dernier à ce relatif, voulant le rendre commun à toutes les communes de la république où il existe la variété des dialectes, afin de détruire, par ce moyen, le ressort de la malveillance qui s’en sert toujours avec avantages. Cet instituteur sera tenu, chaque jour, d’enseigner la langue française et la déclaration des droits de l’homme à tous les jeunes citoyens des deux sexes, et, chaque décadi, de faire lecture au peuple des lois de la république, en les traduisant et en les expliquant vocalement. Par ce moyen l’instituteur satisfera à tout ce qu’exigent de lui les lois relatives à l’instruction publique.
La loi ci-dessus citée, en vous déléguant le choix de cet instituteur, vous enjoint de ne point choisir parmi les ministres d’un culte quelconque, ni parmi ceux qui auront appartenu à des castes ci-devant privilégiées ; dès que vous aurez fait choix du sujet, je vous prie de me faire passer sa nomination pour que je l’envoie au représentant du peuple chargé de l’autoriser

Salut et fraternité
VIDALOT »

                                        

Bertran Barère de Vieuzac

 

 

 

 

La volonté de la Convention n’empêche pas bon nombre de citoyens des provinces incriminées de contester cette atteinte à la liberté de parler leur langue maternelle.
Cependant, le pouvoir centralisateur et totalitaire, avec la mise en application du  décret instaurant la présence d’un instituteur dans les communes « à éduquer », imposant au français de chasser les langues régionales n’arrive qu’à affaiblir un peu l’occitan, qui résiste face au combat mené pour le faire disparaître. Cette résistance est quelque peu facilitée par le fait que la volonté de destruction des «  patois » est confiée au zèle patriotique des « autorités constituées, des sociétés populaires et de toutes les communes de la république » auxquelles la convention décide d’envoyer le Rapport Grégoire.
De plus deux mois plus tard survient le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794) (18) qui renvoie, sine die, les applications des décrets du 16 prairial et du 8 pluviôse, offrant une trêve à cette lutte contre la langue occitane et les parlers régionaux en général. Demeure toutefois le principe d’une politique linguistique pour imposer le français, qui assimile l’usage d’une langue régionale au fédéralisme et à une atteinte à l’unité française. Ainsi le 27 brumaire an II (17 novembre 1794) est pris le décret déclarant «l’enseignement sera fait en langue française ; l’idiome du pays ne pourra être employé que comme moyen auxiliaire »
Désormais c’est par l’enseignement que va se dérouler  l’affrontement linguistique pour généraliser l’emploi du français et tenter d’éradiquer la pratique des langues régionales. Ceci va perdurer et fera dire au chanteur occitan Claude Marti «  Mais pourquoi ne m’a-t-on jamais appris à l’école la langue de mon pays ? »

 

4 / L’occitan du XIXème siècle à nos jours

En ce début du XIXème siècle, l’occitan demeure la langue du peuple dans l’ensemble de son échelle sociale. Se produit alors un événement qui va favoriser la langue occitane, le retour en grâce du Moyen Âge. Ses valeurs sont redécouvertes et appréciées avec l’arrivée du Romantisme, qui s’oppose  au classicisme et tend à retrouver les sources de la culture dans le gothique et le roman, faisant ainsi renaître les œuvres des troubadours. Des études les concernant apparaissent et se multiplient. L’Albigeois Rochegude (19) publie en 1819 le «  Parnasse occitan »  et le provençal Raynouard (20)

«  Choix des poésies originales des Troubadours ». La philosophie des « Lumières » a induit, dans la bourgeoisie avec l’adoption de la langue française, une coupure avec la culture vécue par les masses populaires.

Par cette renaissance, les traditions occitanes communalistes et d’opposition à la pensée officielle revivent et servent, à partir de la Restauration, à soutenir les mouvements populaires révolutionnaires  évoqués dans le premier paragraphe. En plus des études sur la littérature des troubadours, les historiens redécouvrent, eux aussi, le passé occitan, brisé en grande partie par les croisades contre les Albigeois. Augustin Thierry (21) dans ses « Lettres sur l’histoire de France», parues en 1820, veut démontrer comment la nation française est née de la victoire, par les armes, des Francs sur le monde occitan.
En 1841 parait une histoire des Troubadours et de leur littérature écrite par l’Anglais A. Bruce Whyte.  En 1843 les universités belges créent un concours sur la langue et la poésie provençale.  
Ce climat de renouveau de la langue d’oc va générer une renaissance dans toute l’Occitanie.
Naît alors une nouvelle sorte d’intellectuels, baptisés les poètes-ouvriers, hommes du peuple plus souvent artisans qu’ouvriers, dont  Lamartine est le protecteur. Apparaissent les œuvres d’écrivains comme :

- Charles Poncy (1821-1891) né à Toulon est un maçon-poète provençal de langue française et occitane. C’est un autodidacte dont le goût pour la poésie provient de sa lecture d’Athalie de Racine. Il publie son premier volume « Marines » en 1842 qui enthousiasme George Sand. Elle l’encourage vivement par de nombreuses lettres
- Louis Pelabon, né en 1818 ;   Ouvrier voilier, il publie à 24 ans, en 1842, «le chant de l’ouvrier » d’une valeur poétique médiocre. Ses illusions tombent après 1850 et il devient, en français, le chantre des guerres du second empire
- Jean Reboul (1796-1864,) né à Nîmes, est un poète français. Il exerça toute sa vie la profession de boulanger. Auteur du célèbre «  L’ange et l’enfant » paru en 1828. Sa poésie « Le dernier jour » lui valut une place honorable parmi les poètes français. Il reçut visites et félicitations de la part de Chateaubriand, Lamartine et Alexandre Dumas.
- Reine-Garde: Couturière, mercière et poétesse aixoise. Elle découvrit la poésie en lisant Joselyn de Lamartine. Elle publia « Essais poétiques » en 1851, ainsi que d’autres œuvres, qui lui valurent d’être honorée par l’Académie française. Elle rencontra Lamartine, à Marseille en 1847, qui accepta de lire certaines de ses œuvres. A la suite de cette lecture il écrivit « Je fus étonné, touché de ce que je lisais ; c’était naïf, c’était gracieux, c’était senti ; c’était la palpitation tranquille du cœur devenue harmonie dans l’oreille. Cela ressemblait à son visage modeste, pieux, tendre et doux ; vraie poésie de femme dont l’âme cherche à tâtons sur les cordes les plus suaves d’un instrument qu’elle ignore, l’expression de ses sentiments »

Le plus illustre de ces poètes-ouvriers ou artisans fut Jasmin, représentant cette renaissance de la langue d’oc  qui s’étendit par la suite dans toute l’Occitanie.

 

Jasmin  

 

 

Jacques Boé dit Jasmin ( en occitan Jacme Boèr dit Gensemin ou Jansemin)  est né le 6 mars 1798 à Agen. Il était  coiffeur et poète gascon. Il écrivait des chansons et des petits poèmes qu’il récitait à ses clients. Face au succès rencontré et poussé par les encouragements de ses amis, puis de critiques, il écrivit des œuvres plus importantes en occitan, donnant ainsi une nouvelle impulsion à cette langue. Il obtint une certaine célébrité avec sa romance  la fidelitat agenesa, écrite en 1822, puis Lo Charibari  en 1825.
Il fut couronné par l’Académie d’Agen pour son ode Lou tres de may  à l’occasion de l’inauguration de la statue d’Henri IV à Nérac en 1830. Ses  succès lui valurent  une belle renommée, et à partir de 1840, ses tournées dans le Midi l’occupèrent à temps plein et attirèrent les foules.
Ses œuvres sont rassemblées dans ses quatre Papillôtos (1835,1842, 1854, 1863). Nodier alla jusqu’à le comparer à Victor Hugo !
Par contre Balzac fut plus moqueur en le  nommant « le poète perruquier » Il décéda à Agen le 4 octobre 1864.

Toutefois, en ce début de XIXème siècle, les œuvres sont souvent  régionalistes et écrites  dans une graphie de caractère français reproduisant souvent la prononciation locale de l’écrivain.

Rapidement se pose le problème du choix  de la langue et surtout de la graphie. En effet, avec la longue période d’oubli des troubadours, la norme graphique occitane originelle avait été plus ou moins oubliée et les écrivains utilisaient la graphie française mal adaptée à la phonétique de la langue d’oc.

Fabre d’Olivet (22)  de Ganges se pencha sur ce problème et voulut restaurer cette graphie. Malheureusement son ouvrage «  La langue d’oc rétablie dans ses principes constitutifs », où il remit à l’honneur les principes orthographiques des troubadours, resta à l’état de manuscrit et donc quasiment sans influence.

Vers 1840, le docteur Honorat,  de Digne, voulut élaborer un dictionnaire provençal-français mais il fut  confronté au problème orthographique. Ayant redécouvert, par le biais de sa passion pour la culture du Moyen Age, la graphie des troubadours, il décida de l’utiliser pour son dictionnaire qui parut en 1846 et 1847. L’orthographe occitane  authentique, voire «  classique » fut restaurée. Dès sa parution, ce dictionnaire fit forte impression auprès des écrivains et du public pour avoir redonné à la langue d’oc sa graphie originelle. Roumanille, qu’on évoquera plus loin, fut enthousiasmé et écrivit dans la Gazette du Bas-Languedoc « Honorat a heureusement achevé ce que, avant lui, d’autres n’avaient pu qu’ébaucher faiblement » 

Dans le même temps des poètes, marseillais pour un certain nombre, comme Fortuné Chaillan, Gustave Benedit, Marius Bourelly, écrivaient leurs œuvres en occitan. Joseph Désanat, écrivain libéral, entreprit de rassembler les voix du pays  dans son journal «  Lou Bouillabaisso » qui parut entre 1841 et 1846.
On trouve aussi deux autres écrivains d’oc importants : Xavier Navarrot, petit bourgeois béarnais, au contact du peuple dont il se fait l’interprète entre 1830 et 1852 en attaquant le système, la corruption et en fustigeant le coup d’état du 2 décembre 1852, puis Victor Gelu, marseillais, fils d’un boulanger et lui-même garçon boulanger, qui eut une vie aventureuse et proche des humbles par sympathie politique et dont les œuvres violentes l’ont fait passer pour un poète révolutionnaire.

Le dictionnaire d’Honorat, restituant la graphie  « classique » semblait ouvrir la porte à une production poétique occitane afin que cette langue ne soit plus « la lenga mespresada »  (traduction superflue) et retrouve son lustre d’antan. Toutefois, Roumanille, laudateur dès la parution du dictionnaire, de ce retour à la graphie originelle, va oublier ses louanges et revenir à son rêve personnel de renaissance de la Provence seule.
Il va s’opposer à la graphie d’Honorat, qui s’adapte bien à tous les dialectes, et chercher à en créer une ayant pour base le provençal rhodanien, qui serait, dès lors, la seule norme acceptable. Ce projet concrétisé, il l’imposa à son entourage et notamment à Frédéric Mistral, qui était un de ses disciples. Celui-ci commence alors la rédaction de son chef-d’œuvre Mireille, ce poème épique de 12 chants, dans la graphie proposée par Roumanille.
Quelque temps après, ayant pris connaissance du dictionnaire d’Honorat, il reconsidère  le problème orthographique et réécrit son œuvre pour qu’elle n’apparaisse pas écrite «  en un affreux patois »  mais comme « un chef-d’œuvre gravé sur l’airain du bon sens et de la logique »  Cependant son jeune âge- il a à peine plus de vingt ans- lui fait perdre la  bataille orthographique,  ce qu’il regrettera comme en témoigne cette lettre écrite 20 ans après «Il faut expulser hardiment tous les gallicismes et appliquer à nos dialectes modernes le système orthographique des Troubadours du XIIIème siècle ».
Malgré cet échec et une graphie inadéquate la langue d’oc, avec cette «  Mirèio » de Mistral, parue en 1859,  redevient une des grandes langues européennes. Son œuvre, accueillie par Lamartine comme un chef-d’œuvre, va conquérir la Provence, l’Occitanie tout entière, la France et le monde, par ses traductions en 15 langues.

Ce renouveau de la langue occitane,  par le biais de sa littérature, n’empêche pas la volonté de l’Etat de vouloir la primauté  du Français, voire de l’imposer sur l’ensemble du territoire et de réduire l’utilisation des langues régionales.
Cela, comme nous l’avons déjà vu, passe par l’enseignement. Ainsi des  lois,  au cours de ce XIXème siècle, vont être promulguées,  sous couvert  tout à fait louable et nécessaire, de l’intérêt porté à la formation des jeunes ( principalement  des enfants de milieux populaires et des campagnes où le patois est encore très ancré) pour aussi, accélérer le processus de francisation et de lutte contre les langues régionales. Ces lois sont :

La loi Guizot du 28 Juin 1833 portant sur l’instruction primaire et répondant à un article de la charte de 1830 prévoyant « l’instruction publique et la liberté de l’enseignement » Chaque département devant entretenir une école normale d’instituteurs et chaque commune de plus de 500 habitants entretenir une école primaire et un instituteur. Cette loi permettra un fort développement de l’alphabétisation. Ce qui en soi fut un bienfait.

La Loi Falloux du 15 mars 1850 aborde tous les aspects de l’éducation à l’exception du supérieur. Elle complète la loi Guizot en rendant obligatoire une école de garçons dans toute commune de 500 habitants et une école de filles dans toute commune de 800 habitants ( !) Elle est aussi connue pour ces dispositions sur la liberté d’enseignement laissant une grande place à l’enseignement confessionnel.

Les  Lois Jules Ferry, votées en 1881 et 1882 sous la troisième république, qui rendent l’école primaire gratuite (1881), l’instruction obligatoire et l’enseignement public laïque (1882).
Il s’agit d’une obligation d’instruction et non de scolarisation.

Ces lois ont pour conséquence une scolarisation quasi-complète et donc une « francisation » des enfants de France dans la droite ligne du projet des Lumières d’émancipation du peuple souverain.

L’accélération de la propagation du français se produit surtout après 1850 et jusqu’en 1870. Toutefois en Occitanie, comme l’estiment Robert Laffont et Ch. Anatole, si rien n’a pratiquement changé  dans l’usage par le peuple de la langue occitane, de la révolution jusqu’en 1870, tout va changer de cette date jusqu’en  1914 par l’action « offensive » de l’instruction publique

4.1/ Le Félibrige (23)

Sa création émane d’un petit groupe de poètes de la région d’Avignon, unis par le désir d’écrire en provençal. Un des membres les plus importants, voire le plus actif, est Roumanille dont on a vu les divergences de vue avec Mistral sur les normes graphiques à adopter et qui, par sa force de persuasion, a imposé son point de vue.
La norme, dont il fut le défenseur, fut adoptée et prit, par la suite, le nom de « Norme Mistralienne »       

C’est le 21 mai 1854, que 7 poètes se rencontrèrent au castel de Font-Ségune (Châteauneuf-de-Gadagne  en Vaucluse)  pour fonder le Félibrige.
Ces 7 poètes étaient : Joseph Roumanille, Paul Giéra, Théodore Aubanel, Jean Brunet, Anselme Mathieu, Alphonse Tavan et Fréderic Mistral. Voici comment Mistral décrit cet événement dans son livre « Mes origines, mémoires et récits » :

« Il fut écrit au ciel qu’un dimanche fleuri, le 21 mai 1854, sept poètes devaient se rencontrer au castel de Font-Ségune : Paul Giéra, un esprit railleur qui signait Glaup ( par anagramme de Paul G ) ; Roumanille, un propagandiste qui, sans avoir l’air, attisait incessamment le feu sacré autour de lui ; Aubanel, que Roumanille avait conquis à notre langue et qui, au soleil d’amour, ouvrait  en ce moment le frais corail de sa grenade ; Mathieu, ennuagé dans les visions de la Provence redevenue comme jadis, chevaleresque, et amoureuse ; Brunet avec sa face de Christ de Galilée, rêvant son utopie de Paradis terrestre ; le paysan Tavan qui, ployé sur la houe, chantonnait au soleil comme le grillon sur la glèbe ; et Frédéric, tout prêt à jeter au mistral, comme les pâtres des montagnes, le cri de race pour héler et tout prêt à planter le gonfalon sur le Ventoux .»

 

Les 7 poètes au Château de Font-Ségune   Le Château de Font-Ségune  

 

Le terme Félibrige est dérivé du mot « félibre » que les fondateurs ont emprunté à un récitatif pour désigner celles et ceux voués à défendre la langue provençale. Toutefois, nombre d’étymologies ont été proposées. Une de ses premières réalisations fut la publication en 1855 d’un almanach rédigé en provençal «  l’Armana Prouvençau » qui précéda la publication de « Miréio » en 1859 et du « Trésor dou Felibrige » par Mistral.

L’essor  que connaît le félibrige permet à « la langue méprisée » rabaissée au rang de « vulgaire patois (24) » de reconquérir sa place de grande langue de civilisation européenne.

C’est avec Mistral que le félibrige connaît  la gloire, mais un autre poète, Théodore Aubanel,  y contribue aussi en étant ce poète de l’amour malheureux qui se hisse au niveau des anciens troubadours. Cette renaissance linguistique et littéraire, partie de Provence, s’étend peu à peu sur toute l’Occitanie. Elle apparaît en Languedoc,  où la société pour l’étude des langues romanes édite la Revue des Langues Romanes, en Auvergne, au Limousin. En Gascogne et au Béarn se crée la fondation de « l’Escolo deras Pireneos » (l’Ecole des Pyrénées) et de « l’Escolo Gastou Fébus » ( l’Ecole Gaston Phébus)

Il s’établit toutefois une contradiction dans ce mouvement littéraire d’oc et le renouveau qu’il offre à cette langue.
Artistes et grands bourgeois s’intéressent à la langue populaire, non sans un certain paternalisme vis à vis de ces poètes ouvriers ou artisans (pour la plupart)  évoqués précédemment, et de leur retour à l’occitan.

La consécration de Mistral, notamment et même surtout, se fait à Paris par « l’onction » que lui apporte  Lamartine. Ce fut aussi, le cas de Jasmin porté par Nodier et Lamartine et encore d’Aubanel protégé par Paris.  Il semblerait que nul ne soit prophète en son pays ce qui fait dire à Robert Laffont dans  « La revendication occitane » :

«  Tout se passe comme si la littérature occitane, lorsqu’elle ose être comme les autres littératures,  ne peut réussir que traduite dans la capitale de la France centralisée. Ce paradoxe s’explique par la vie provinciale que cette centralisation relègue dans l’insignifiance intellectuelle.»

Il y ajoute un aspect politique en estimant que « le drame de cette renaissance occitane, considérée sous cet angle d’un texte culturel novateur, est de ne pas pouvoir s’accrocher au destin d’une classe sociale d’actualité politique». 

Il estime que la société méridionale, par sa bourgeoisie capitaliste, ne conquiert aucun pouvoir régional et qu’elle ne dirige que par « un détour parisien ». 

Quoi qu’il en soit, le félibrige poursuit sa volonté de restaurer la langue naturelle d’Occitanie  et d’étendre son action au-delà de la littérature, en associant les arts et les sciences. Les statuts adoptés en 1862 en font une sorte d’Institut de Provence. Le premier article définit les buts de cette association :
« Garder toujours sa langue, sa couleur, sa liberté de tournure, son honneur national et son beau rang d’intelligence, car, telle qu’elle est, la Provence nous plaît. Par Provence, nous entendons le Midi tout entier.»

Cependant, des difficultés apparaissent pour intégrer d’autres partenaires que les écrivains. Les nouveaux statuts de 1876 élargissent le champ des 50 félibres, prévus à l’origine, à un recrutement  de félibres de base, en nombre illimité. Ceci permettra de compter, en 1914, environ un millier d’adhérents,  hormis plusieurs milliers de membres de groupes locaux, « les escolo », liés au félibrige.
De plus, le nom de Provence, présent dans les premiers statuts, est remplacé par « Les Pays  d’oc ». A  la veille de la guerre de 1914/18 les derniers statuts évoquent la notion de «  nation occitane ». Ainsi la vocation du félibrige va jusqu’à la sauvegarde de la culture du pays d’oc, en pratiquant un certain élitisme visible dans les modalités de recrutement et de la direction de l’association, auquel s’ajoute, à la défense de la langue et de la culture, celle d’une identité d’un pays, héritée d’un passé où le Midi avait une certaine indépendance et où la langue était l’idiome créateur des premiers écrits littéraires.

En fait, le fonctionnement est en réalité moins martial. Un rassemblement annuel a lieu lors de la fête de la Santo Estello, en mai, où se déroulent un concours littéraire et un banquet. Le président prononce un discours au cours duquel il fixe les grands objectifs à atteindre.
Malgré ce renouveau de la langue d’oc et le rayonnement du félibrige et de Mistral  plus particulièrement,  la volonté, depuis la révolution, de  combattre et réduire l’usage de l’occitan perdure et s’amplifie même, avec la IIIème république.

Dès 1880, l’Etat accroît le nombre d’écoles publiques où l’enseignement, uniquement en français, exclut et combat en vue de leur  éradication,  « les patois ». On voit apparaître dans les écoles un « signe ou signal ou symbole» (c’est un bout de bois ou de fer ou encore un sou troué) destiné à accroître l’efficacité de la lutte contre l’usage de la langue maternelle par les élèves.

Lorsqu’un élève prononce un mot de « patois » on lui donne ce  « signal » qu’il doit redonner à un autre élève qui commet la même faute après lui et ainsi de suite jusqu’à la fin des cours.
Le dernier possesseur de ce « Mistigri » se voit alors infligé une punition. 

Ce procédé durera jusqu’en 1930 environ, où il sera supprimé, étant  déclaré inutile, car le français était entré dans la tête de ces réfractaires à l’usage de la seule langue nationale.
La politique de francisation, héritée de la révolution principalement, va donc se décliner tout au long du XIXème siècle et jusqu’au XXème, tout au moins dans ses premières années.
Toutefois, cet enseignement « à marche forcée » de la langue française, en vue de l’imposer face aux « patois », ne se dissocie pas de la résistance de ceux-ci pour conserver l’usage de cette langue du peuple et des régions, face à cette France centralisatrice hostile aux différences.

Ainsi, Jean Jaurès s’est montré favorable à un certain bilinguisme dans un texte paru en 1911 dans la Dépêche de Toulouse 
« Pourquoi ne pas profiter de ce que les enfants de nos écoles connaissent et parlent encore ce que l’on appelle d’un nom grossier le patois ? Ce ne serait pas négliger le français, ce serait mieux apprendre, au contraire, que de le comparer familièrement dans son vocabulaire, sa syntaxe, ses moyens d’expressions, avec le languedocien et le provençal.»

Quelle a été réellement l’influence du félibrige, dont la tâche principale fut  de « grouper et encourager tous ceux qui, par leurs œuvres,  conservent la langue du pays d’oc », pour freiner le mouvement de déclin de la langue occitane et la  défendre, voire la restaurer.

Il est généralement admis que, sans la minimiser, elle ne fut pas à la hauteur des espoirs suscités par l’expansion en terre occitane qui se produisit au début du félibrige et le rayonnement  des œuvres de Mistral. On peut attribuer une part de ce relatif échec à des motifs linguistiques et au hiatus de la graphie, évoqué plus haut. En effet, persistent deux normes graphiques de langue d’oc, à savoir la graphie Mistralienne conçue par Roumanille et adoptée par Mistral qui lui donna son nom et la graphie classique ou occitane.

Il en résulta une opposition entre la conception mistralienne de la région provençale et celle des autres régions occitanes, qui n’acceptaient pas de se plier aux exigences des défenseurs de la première.

Un compromis, par la mise en œuvre d’une réforme orthographique visant à adopter la graphie classique des troubadours en la simplifiant, comme l’avait envisagé Mistral en 1853, fut  amorcé par l’adoption de

la graphie classique par Joseph Roux (25)  en 1889 puis concrétisé par Prosper Estieu et Antonin Perbosc (26) en 1898, bien que rencontrant la résistance des félibres provençaux. 

Perbosc illustre le point d’achèvement de cette nouvelle orthographe dans une déclaration faite en 1904 où il dit notamment :
 « Un peuple ne peut pas se contenter d’exprimer sa  pensée en d’innombrables parlers qui ont une fin naturelle : c’est de s’écarter peu à peu de la langue mère. Il faut conserver et épurer les parlers populaires non pas pour les maintenir incomplets comme ils sont, mais pour faire servir ce que chacun d’eux a gardé de franc à la restauration complète, intégrale de la langue d’oc. Nos parlers s’élèveront à la dignité de langue à la condition de se compléter, non pas en empruntant ce qui leur manque au français, mais en reprenant les mots occitans qu’ils ont perdus et qui sont conservés dans d’autres  terroirs occitans.» (27)

L’unité  fut établie  le 6 juillet 1919 par la fondation  de « l’Escola Occitania » avec la reconnaissance de son aspect officiel par l’Académie des jeux floraux de Toulouse et son adoption par la revue « Lo Gai Saber ».
Ce nouvel  outil orthographique permit, en ce début du XXème siècle, un nouvel élan à la renaissance occitane.

Il apparaît nécessaire d’évoquer maintenant les poètes  fondateurs du félibrige :

- Joseph Roumanille 

Il est né le 8 août 1818 à Saint-Rémy de Provence, où il vécut toute sa vie. Il est l’initiateur, « le père », du félibrige avec les 6 autres poètes qui en décidèrent la création le 21 mai 1854.

Il fut envoyé au collège de Tarascon  pour apprendre le latin en vue de devenir prêtre. Passionné par la langue occitane, en sortant du collège, il ne souhaita pas entrer dans les ordres et partit à Nyons pour gagner sa vie. Il fit la connaissance de poètes provençaux et, avec eux, constitua ce que Mistral appellera « le berceau de félibre ».

Parti de Nyons en 1845 pour Avignon,  en tant que répétiteur au pensionnat Dupuy, il fit la connaissance de Frédéric Mistral, qui fut un de ses élèves. Surprenant ce dernier à rédiger des vers en occitan il le prit en affection et devint son ami.

Ayant quitté le pensionnat Dupuy, il entra à la librairie Séguin où il fit paraître un petit recueil de poèmes :
- « Li Margarideto » ( Les Paquerettes)
- puis en 1859  « Li Flour de Sauvi » (Les fleurs de Sauge).

 

Entre temps il créa le félibrige, devint éditeur et publiera « Li Prouvençalo » en 1852, recueil de poèmes provenant de poètes provençaux. Il joua un rôle primordial dans les milieux littéraires de Provence et dans le renouveau du provençal. Il consacra ses 30 dernières années à alimenter en contes « l’Armana » du félibrige devenant ainsi l’héritier  des meilleurs conteurs du Moyen-Âge  et de la Renaissance. Il décéda le 24 mai 1891.

 

Joseph Roumanille   Théodore Aubanel 

- Théodore Aubanel

Il est né le 26 mars 1829 à Avignon. Il fut un des plus actifs, avec Roumanille et Mistral, des créateurs du félibrige.

Issu d’une famille d’imprimeurs, ayant le titre d’imprimerie du Pape, il rencontra Roumanille lors de réunions de la société de la Foi. Bien que membre d’une famille parlant peu le provençal, il se rendit compte que cette langue était vivante en l’écoutant autour de lui  dans les rues, les campagnes et chez lui, par son oncle qui ne parlait que cette langue. Roumanille lui fit connaître Mistral et Anselme Mathieu avec lesquels il se réunissait au Château de Font-Ségune pour écrire des vers et des chansons en provençal.

Il fit la connaissance de la cousine des Giéra, Jenny Manivet, qu’il aima et chanta sous le nom de Zani dans ses poésies amoureuses qu’il écrivait déjà avant de faire sa connaissance. Un recueil de poèmes  exquis et douloureux, bien que fort bien accueilli par le monde littéraire, le fâcha avec le monde catholique, mettant en danger l’imprimerie familiale très liée avec les catholiques avignonnais.

Il se fâcha par la suite avec Roumanille et quitta le félibrige au début des  années 1880. La publication, en 1885, de li fiho d’Avignoun, recueil sensuel, lui valut une mise à l’écart de l’archevêché. Il retira cet ouvrage à la demande de l’évêque. Démotivé, il décéda le 2 novembre 1886

 

 

- Frédéric Mistral

Le plus célèbre des félibres est né à Maillane (Bouches-du Rhône) le 8 septembre 1830 au Mas du Juge.
C’est un fils de ménagers aisés, apparentés aux plus anciennes familles de Provence. Membre fondateur du Félibrige, il fut aussi membre de l’Académie de Marseille, Maître es-jeux de l’Académie des Jeux floraux de Toulouse.

Il reçut en 1904 le prix Nobel de littérature.
Il habita à Maillane successivement dans 3 demeures, le Mas du juge, la maison du lézard et la dernière connue sous le nom de Museon Frédéric Mistral. Après une scolarité élémentaire à l’école de Maillane,  au pensionnat Saint Michel-de-Frigolet il entra au pensionnat Dupuy à Avignon où il fit la connaissance de Joseph Roumanille.

Bachelier en 1847, il étudia ensuite le droit à Aix en Provence  de 1848 à 1851 et y obtint sa licence. Au cours de ses études il découvrit l’histoire de la Provence et en devient le chantre de son indépendance, prenant la résolution « de  relever, de raviver en Provence le sentiment de race, d’émouvoir cette renaissance par la restauration de la langue naturelle et historique du pays, de rendre la vogue au provençal par le souffle et la flamme de la divine poésie ».

Par son œuvre, il réhabilita la langue d’oc et à l’instar des troubadours, il écrivit des chants et des romans en vers et son chef-d’œuvre « Mirèio »  publié en 1859. Il reçut le prix Nobel en 1904 pour cette œuvre écrite en langue d’oc, ce qui constituait une exception en lui  donnant ainsi sa valeur universelle, qui la sortait de son a priori régionaliste.
Il décéda le 25 mars 1914 à Maillane.

 

Frédéric Mistral Plaque commémorative en langue d’Oc  en Haute Vienne 

 

- Paul Giéra 

Il est né à Avignon le 22 janvier 1816, poète français en langue d’oc. Fut un des membres créateurs du Félibrige. Clerc de notaire avec son frère Jules, il vivait dans un hôtel particulier du XVIIème siècle. Il fit la connaissance de Roumanille et Aubanel lors d’une œuvre de charité. Découvrant leur passion commune, ils constituèrent le premier groupement qui allait, par la suite, donner vie au félibrige.

Le Château  de Font-Ségune,  où fut créé le félibrige, appartenait  à sa famille après avoir été légué à son père, épicier-faïencier, par Pierre Goujon d’Alcantara. Il composa de plaisantes poésies provençales réunies après sa mort dans un recueil : un  « liame de rasin ». Elles révèlent un esprit original, enclin à la fantaisie poétique. Frédéric Mistral le qualifia de « fin galejaire ». Il décéda prématurément le 26 avril 1861 âgé de 45 ans.

Paul Giéra Anselme Mathieu             

- Anselme Mathieu 

Poète provençal né le 21 avril 1828 à Châteauneuf du Pape. Scolarisé au collège du Pensionnat Dupuy à Avignon, où Roumanille fut un de ses professeurs, il y rencontra Mistral  et devint son ami. Cette amitié se renforça lorsqu’il retrouva Mistral à Aix en Provence.
Il n’a publié qu’un seul recueil de poèmes «  La Farandole » préfacé par Mistral. Il décéda le 8 février 1895. 
 

- Alphonse Tavan 

Il est né en 1833 à Châteauneuf de Gadagne.
Paysan il ne reçut que l’éducation de l’école communale primaire. Il composa des poèmes en cultivant la terre. Il fut remarqué par Paul Giéra et assista, dès lors, aux réunions des futurs fondateurs du félibrige, dont il fut un des membres.

Ayant contracté la malaria il fut inapte aux travaux des champs et devint employé des chemins de fer à la PLM.
Ses poésies naïves et rustiques (Amour et plour) ont comme source la vérité du cœur. Il décéda le 12 mai 1895 à Châteauneuf de Gadagne.
 

 

Alphonse Tavan Jean Brunet  

 

- Jean Brunet 

Poète de langue provençale né le 27 décembre 1822 à Avignon.
Poète mélancolique et utopiste, il découvrit dans le Félibrige un mouvement qui combla ses aspirations démocratiques et sa fougue. Il commença comme peintre décorateur et verrier d’art, tout en tenant un magasin d’antiquités.

Il publia quelques poésies pleines de tristesse dans « l’Armana » et travailla surtout à la rédaction d’un répertoire, jamais édité, de proverbes provençaux. Il décéda en 1894

 

4.2 / L’occitan sous la IIIème République et au XXème siècle

On a vu précédemment que l’adoption de la graphie classique dès la fin du  XIXéme siècle, (même si quelques félibres provençaux continuent à employer la graphie félibréenne) confirmée au début du siècle suivant, ouvrait la voie à un nouvel élan de la langue occitane en s’affranchissant, en partie, de la dualité entre les deux modes orthographiques. 

Ce que Pierre Bec qualifie de « deuxième renaissance occitane » après celle du XVIème siècle, est en bonne part à mettre au crédit du félibrige Elle apparaît au moment où les lois sur l’instruction publique, principalement celles de  Jules  Ferry en  1881 et 1882, la civilisation industrielle, avec notamment la dépopulation des campagnes  et le déplacement de population des régions en récession vers les régions en progression industrielle, semblaient porter un coup important à la langue régionale.

Cette quasi-unité établie permit de s’extraire d’une littérature félibréenne  trop « localiste » imprimée par les félibres provençaux.
Cette graphie occitane classique présentait aussi l’avantage pour  les Catalans et les Occitans de se comprendre mutuellement sans difficulté. Avec ce renouveau, l’occitan se devait de revenir à sa mission première, celle  de retrouver la fierté de  sa langue et sa culture qu’on cherchait à asservir, voire à faire disparaître.

L’occitan était toujours interdit à l’école et la langue combattue  de toutes parts perdait du terrain, même si le peuple lui était resté fidèle. Il fallait donc, par la revendication, refuser cette politique  d’éradication et cette exclusion de l’occitan à l’école. La  réussite du renouveau catalan, conduit en parallèle, aboutissant à la promulgation en 1913 des normes orthographiques de « l’Institut d’Estudis Catalans » soutenues par deux quotidiens de Barcelone, se répercuta en Pays d’Oc  par la fondation de la revue Oc, en 1923, par Camille Soula (28) et Ismaël Girard. Robert Laffont  en remarque la distanciation par rapport aux félibres provençaux en écrivant dans «La revendication occitane » :

«De là une liberté de critique, un goût de l’actualité, une ouverture sur l’extérieur qui tranche sur tous les périodiques du temps en langue d’oc, tous encore encombrés de cigales rituelles. La déprovincialisation de la culture occitane est en cours.»

On voit donc que persista quelques temps encore ces « oppositions », ces « luttes intestines» entre la défense d’une culture et une écriture occitane plus  globale et celle  liée à la Provence émanant du félibrige Mistralien  qui, fort du succès de « Mirèio » et de la grandeur de Mistral, tendait à s’isoler des autres parlers occitans, mais aussi du catalan.

Charles Camproux, (29) importante figure de la culture occitane du XXème siècle, fut un des principaux  acteurs de la naissance de l’Occitanie moderne et  de cette renaissance occitane. Il s’engagea résolument dans un occitanisme revendicatif tant sur le plan linguistique que politique et très critique envers le Félibrige. Il fonda au début des années 1930 la revue « Occitania » qui devint le principal organe des mouvements occitanistes.

Il avait été également un des fondateurs de la « Societat d’Estudis Occitans » (S.D.E) le 16 mars 1930  à Toulouse.
Il fit paraître en 1935 à Narbonne « Per lo camp occitan » un recueil d’articles politiques qui alimentera les combats de toute une génération. En 1935 « Occitania » fonde « Le Parti Occitaniste »’ à structure très fédérale.

Louis Alibert   Charles Camproux   

Avec la publication en 1935 par Louis Alibert (30) de la « Gramatica Occitania segon los parlas lengodocians »

(« monument » de plus de  500 pages) apparaît un document préconisant un essai de conciliation entre le système mistralien, celui de Prebosc-Estieu (évoqué plus haut) et celui de « l’Institut d’Estudis Catalans de Barcelone ».

Son document actualise une vision unitaire de la langue, par un retour aux principes traditionnels depuis les troubadours, permettant  ainsi les compréhensions réciproques des différents dialectes et des œuvres des troubadours.

Il écrivait en 1935 : 

« Une langue ne peut pas se limiter à un terroir et à un seul temps. Elle doit être la synthèse des parlers naturels de toute la nation et la synthèse de la langue des écrivains anciens et modernes.»  

Louis Alibert  bénéficia d’un important soutien de la part de Charles Camproux  sur ses thèses linguistiques, qui voyait  dans sa graphie un outil fédérateur qu’il adopta pour ses travaux et ses publications.

Ce mouvement de renouveau de la langue et la culture occitane  en opposition à la volonté de l’Etat d’imposer le français prit son essor  pendant la guerre où la conscience occitane s’enracina. Il se concrétisa par la création en 1945 de « l’Institut d’Estudis Occitans »  (I.E.O.) qui, loin de tout localisme régional, adopta la graphie de Louis Alibert  et l’adapta ensuite à tous les dialectes en donnant, aux usagers de l’occitan écrit, une  sécurité orthographique exempte des bizarreries de l’orthographe française.

Cependant, entre 1940 et 1950 la résistance « félibréenne provençale » continuait.
S’exprimant en « droit de chef-d’œuvre » elle était « mistralienne orthodoxe ».

Ainsi le Prix Mistral était, au cours de ces années, attribué à Arles par opposition à la poussée occitane. Toutefois une dizaine d’années plus tard, du Rhône à Nice, s’opéra un passage général à l’occitanisme, graphie incluse, de la part d’une nouvelle génération d’écrivains et pédagogues.

4.3 / La Loi Deixonne de 1951

Le problème scolaire n’apparut, en fait, qu’assez tardivement dans les préoccupations de la résistance d’oc.
En 1868, à Saint- Rémy, Mistral énonça pour la première fois des revendications politiques en dénonçant le mépris de l’enseignement pour le provençal et l’histoire occitane. C’était un appel à enseigner positivement l’histoire et la langue du peuple d’oc.
Mais cet appel ne fut qu’incantatoire car ne comportant aucune modalité d’application et ne trouvant aucun appui politique pour tenter de le concrétiser.
L’offensive  de l’apprentissage exclusif du français continuait. On a vu l’impact des lois Jules ferry de 1881/82 et le recul important de l’occitan avec notamment le règne du «  signal », déjà évoqué, punissant les élèves qui «  osaient » parler leur langue maternelle.

Jaurès, occitan et amoureux de cette langue, l’utilisera dans ses campagnes politiques.
Dans des articles de la Dépêche, entre 1909 et 1911, il exprima une profonde appréciation d’ensemble de la renaissance d’oc. Il souhaitait que la littérature occitane fût plus populaire. Il voulait associer, définitivement, littérature française et littérature d’oc et les placer au service du peuple.

Il envisageait de fixer aux pédagogues la tâche de propager une double culture. Perbosc relança en 1925, dans la revue Oc, la campagne de Jaurès et ses articles furent rassemblés dans une brochure «  La langue de France à l’école » Dans les années 1920 des ministres de l’Instruction publique autorisèrent des expériences d’enseignement littéraire occitan dans quelques lycées et collèges. Des oppositions se manifestèrent, mais en 1926 le nouveau ministre Edouard Daladier confirma les autorisations données précédemment.

La «  Ligue pour la langue d’oc à l’école », créée parJean Bonafous,réclamait l’interdiction  des punitions liées au « Signal » et d’inculquer le mépris du «  patois » ; l’autorisation de comparer patois et français, d’exposer ce qu’était réellement le « prétendu patois », d’expliquer la littérature occitane, de  la commenter et de présenter la langue d’oc à tous les examens. Malheureusement pour aboutir, il aurait fallu trouver les politiques aptes à présenter, soutenir ses propositions et en assurer le vote au parlement.

Sous le Front Populaire, le breton, grâce à des actions autonomistes,  apparaît   un mouvement d’opinion réunissant tous les conseils généraux en faveur de son enseignement. L’Occitanie, par contre, n’obtient que la sympathie des communistes et des fidèles à Jaurès.
Le gouvernement ne cède en rien devant ces demandes arguant que l’enseignement de l’histoire et de la géographie locale étaient déjà développés et que les programmes étaient trop chargés pour  introduire l’enseignement de langues régionales. La poursuite des revendications bretonnes aboutit, un peu avant la guerre de 1939, à la préparation d’un texte définitif en faveur du breton. Après l’armistice signé par Pétain, un message du maréchal au comité  Mistral offre officiellement au  Félibrige la possibilité de reprendre l’action en faveur de l’occitan.
Après l’autorisation du gouvernement pour l’enseignement du breton pour le premier degré, une circulaire d’octobre 1940 et un arrêté du 24/12/1941 « autorisent les enseignants à organiser dans les locaux scolaires, en dehors des heures de classe, des cours facultatifs de langues dialectales dont la durée ne devra pas excéder une heure et demi par semaine»

Ainsi commence, sous l’occupation, un enseignement de l’occitan dans les écoles primaires et les lycées. En 1944 tous les textes législatifs et réglementaires datant de Vichy deviennent caducs et en 1945 l’épreuve du breton au certificat d’études est supprimée. L’enseignement de l’occitan dans le premier degré s’arrête. Malgré cela la lutte continue.

Des instituteurs, qui sont parmi les fondateurs de l’I.E.O. (Institut d’Etudes Occitanes) créent le  ‘’Groupe Antonin  Perbosc ‘’. Les luttes conjointes et concordantes des bretons et des occitans pour l’enseignement des langues régionales enregistrent quelques avancées dans la défense de leurs revendications. Du coté breton conseils généraux et parlementaires interviennent en leur faveur et l’enseignement dans les Lycées progresse, du coté occitan l’IEO résiste également et appuie par l’intermédiaire de Max Rouquette le projet de texte de loi de Pierre-Louis Berthaud.

En 1949 est créé un « Cartel de défense des langues et dialectes de France » et une proposition bretonne devient le projet Deixonne (du nom de son principal responsable, député socialiste du Tarn).

Ces revendications et luttes  pour la défense de la langue occitane générées par ce renouveau, en grande partie appuyées par ses aspects politiques, obtinrent  donc un premier  succès avec cette loi Deixonne, relative à l’enseignement des langues et des dialectes locaux, votée le 20 décembre 1950 et promulgué le 11 janvier 1951.
Elle visait deux objectifs : défendre la langue française et protéger les langues régionales. Cette loi apparut très importante par la reconnaissance officielle, pour la première fois, du droit à l’existence des langues régionales, comme le stipulait son article 1er : 
«Le conseil supérieur de l’Education nationale sera chargé, dans le cadre et dès la promulgation de la présente loi, de rechercher les meilleurs moyens de favoriser l’étude des langues et dialectes locaux dans les régions où ils sont en usage.» 

Cependant, dans ses articles 2 et 3, cette loi donnait un contenu à la fois précis et restrictif au concept de langues régionales car elle «  autorisait les maîtres à recourir aux parlers locaux dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils pourront en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l’étude de la langue française » et l’article 3 stipulait que chaque instituteur pourrait, à sa demande, consacrer une heure par semaine à l’enseignement de la lecture et l’écriture du parler local.
Cet enseignement étant de surcroît facultatif pour les élèves !
De plus, cette loi ne touchait pas la totalité des langues minoritaires la limitant à quatre langues : le breton, le basque, le catalan et l’occitan. Cet enseignement fut donc relativement fantomatique étant peu dispensé, non obligatoire et qu’en plus l’épreuve d’occitan au baccalauréat ne comptait pas pour l’admission.
Malgré ce handicap, des cours furent  créés dans toute l’Occitanie et  les élèves qui présentaient l’épreuve d’occitan au baccalauréat étaient de plus en plus nombreux.
La lutte  devait se poursuivre  pour améliorer le statut des langues régionales et particulièrement de l’occitan.

4.4 / Vers l’élargissement de la loi sous les IVème et Vème Républiques

Il était essentiel, après la promulgation de cette loi notablement insuffisante, d’obtenir une amélioration du statut des langues régionales et donc de l’occitan par la poursuite de la lutte contre le centralisme parisien.
Bien que cette loi ait amené des avantages moraux en mettant fin définitivement à la répression scolaire et en interprétant l’ouverture du «  patois » pour enseigner le français, elle fut difficilement adoptée et ses adversaires convaincus, comme Georges Duhamel, tentèrent de dresser l’opinion contre elle. Les blocages,  qui en freinaient la pédagogie, avaient pour conséquence de « réserver » l’enseignement des langues locales aux enseignants et aux élèves  militants.

La campagne pour améliorer la loi reprit dès 1953.  Deux propositions apparurent en 1958, celle de MM Coste-Floret et Tanguy-Prigent, la seconde étant le dernier texte législatif de la IVème république.
La même année est créé le « Mouvement Laïque des Cultures Régionales » (M.L.C.R) qui, apparaissant comme le fer de lance du mouvement pédagogique, réussira, en quelques années, à renverser la situation du XIXème et début du XXème siècle.

Pendant dix ans l’état va être harcelé d’initiatives venant aussi bien des rangs de la majorité que de l’opposition. Le mouvement étant contrôlé par un organisme neutre «  Le conseil national de défenses des langues et cultures régionales » présidé par l’académicien André Chamson :

- 1959 dépôts de propositions de loi Crouan (31) et Bayou
- 1960 proposition de loi Hostache
- 1962 appel, à Bédarieux, à la commission française de l’UNESCO contre le «  génocide culturel »
- 1963 propositions des lois Bayou (2èmem fois) et Bayle     
- 1964 le ministre réunit une commission mixte entre représentants de l’administration et représentants du conseil national.
Le rapport de cette commission qui travaille en 1964 et 1965 ne fut jamais adopté mais quelques éléments furent utilisés dans des textes réglementaires.

Ce harcèlement montre l’implication de l’ensemble du personnel politique pour une évolution de la  Loi Deixonne à laquelle ne paraît s’opposer que le gouvernement.
A la fin de 1961 une importante modification voit le changement du titre du « Conseil National de défense des langues et cultures régionales » en « Conseil National de défense et promotion des langues de France ».

En 1969 apparaît une circulaire du recteur Gauthier décidant l’organisation d’un enseignement de la « Civilisation régionale ».
Le 10 octobre 1970 est publié un décret officiel améliorant l’enseignement des langues régionales. Le statut de l’épreuve du baccalauréat est modifié mettant les « Langues de France » à égalité avec les « Langues étrangères vivantes ».

Dès  sa parution, le nombre de candidats à l’épreuve d’occitan est doublé. Il y en aura 7000 en 1973 ! Toutefois cette progression du nombre de candidats à l’épreuve d’occitan n’est pas la preuve d’une expansion

de l’occitan dans l’enseignement,  car cette évolution ne concerne que l’enseignement secondaire où il est dispensé  quelques heures par semaine, alors que dans le primaire cet enseignement ne se fait  qu’avec des maîtres agréés et pour des élèves volontaires. Les revendications ne sont pas satisfaites et les problèmes du premier degré et la formation des maîtres ne sont pas résolus.

Fallait-il pour autant tenter d’introduire dans un enseignement centralisateur et unique du français, celui d’une langue s’opposant à ce centralisme nationaliste, il n’entre pas dans le cadre de ce texte d’apporter ou même suggérer une réponse sachant que cette  éventuelle tentative  avait, bien évidemment, des partisans et des opposants. 
Quoi qu’il en soit et quels qu’aient été les progrès enregistrés pour introduire l’occitan  dans l’enseignement, le  valoriser pour le pérenniser, il n’avait  toujours que « la portion congrue » comme l’écrit Alain Nouvel, malgré l’amélioration de sa situation officielle. Les lois Bas-Lauriol (Pierre Bas et Marc Lauriol) du 31 décembre 1975 et Toubon du 4 août 1994 (la date du 4 août n’ayant aucun rapport avec une quelconque abolition de privilèges)  relatives à la protection  de la langue française n’ont pas apporté des éléments nouveaux pour l’enseignement et la valorisation des langues régionales et de l’occitan en particulier.
La Loi Toubon précise dans son article 11 «  La Langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignements est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou  invités   étrangers »

Les dernières années du XXème siècle ne virent pas une évolution importante de l’enseignement des langues régionales au sein de l’éducation nationale. Seuls apparurent  les « calandretas » (petite alouette en occitan), écoles et collèges bilingues franco-occitan à la fin des années 1970 avec l’ouverture du premier établissement en 1979 à Pau.

Il s’agit là, comme le dit Yves Rouquette,  « d’un enseignement à dose homéopathique pratiqué en de rares lieux, en progrès d’effectifs, mais fonctionnant en vase clos et ne convoquant pas assez les parents d’élèves à l’engagement »

D’autre part les revendications, parfois virulentes, voire les révoltes occitanes apparues à la fin du XIXème et au cours des 2/3 du XXème siècle, s’estompèrent lors des dernières années de ce  siècle.
Les espoirs entretenus par des occitans convaincus,  comme Robert Laffont, qu’avec la loi sur la décentralisation de 1982 on aurait pu tendre vers une France, non pas fédéraliste telle que l’imaginaient certains, mais plus régionalisée, furent pour le moins déçus, notamment en ce qui concerne l’enseignement des langues régionales à  qui on n’accorda  que quelques miettes.

4.5 / Les écrivains fédérés par l’IEO à partir de 1945

Avant d’aborder ce qu’est l’occitan au XXIème siècle et quel peut être son avenir il apparaît nécessaire d’évoquer le rôle des écrivains et poètes, fédérés par la création en 1945 de l’IEO (Institut d’Estudis Occitans), dans la renaissance de l’occitan et également de leurs œuvres. 

 - Charles Camproux (1908-1994)

Déjà évoqué précédemment, il est incontestablement une des figures marquantes de la culture occitane et de sa défense.

Fondateur de la revue « Occitania », du « Parti Occitaniste », à structure fédérale et acteur également dans la fondation de la SDE (« Société d’Estudis  Occitans ») il œuvra beaucoup dans le domaine philologique.
Son «  Histoire de la littérature occitane »  est  une œuvre majeure pour la reconnaissance de la culture occitane.
Dans son livre « Hommage à Charles Camproux » Jean-Marie Petit écrit : 

« Ce livre, qui est l’un des premiers grands livres de l’occitanisme culturel contemporain, est certes un travail d’érudition, mais c’est aussi, pour lui, un travail de « propaganda ». Il apporte là de nombreuses et magistrales réponses à une ignorance française qui n’aura désormais plus d ‘excuse.»

 

- René Nelli ( 1906- 1982)

Natif de Carcassonne,il était poète occitan, philosophe et historien du catharisme. Docteur ès lettres, professeur de lettres et de philosophie au lycée de Carcassonne, puis d’ethnographie méridionale à la faculté de lettres de Toulouse. Il est surtout connu pour ses travaux sur la culture occitane et sur le catharisme. En tant que co-fondateur de l’IEO il a joué un rôle important dans la connaissance de la culture occitane. Il publia un ouvrage sur   ‘’le roman de Flamenca, un art d’aimer occitanien du XIIIème siècle ‘’  et aussi sur ’’l’Erotique des troubadours’’

 

Photo de René Nelli à 75 ans  (photo DR)   Max Rouquette

 

 - Max Rouquette

Né à Argelliers (près de Montpellier le 8 décembre 1908, décédé à Montpellier le 22 juin 2005), il a joué un rôle incontestable dans le maintien et la sauvegarde de la culture et littérature occitane.

Il participa à la création, en 1945, de l’I.E.O dont il fut président de 1952 à 1957.
Poète, écrivain, auteur de théâtre, il a laissé une œuvre très importante écrite en occitan, qui ne fut connue en France qu’après ses premières traductions au cours des années 1980, mais qui reste tout de même largement méconnue comme le souligna  l’écrivain Raphaël Confiant, dans un article paru dans  Le Monde ,en écrivant :

« Quel lecteur français moyen connaît Max Rouquette et sait qu’il a construit l’une des œuvres les plus accomplies de la littérature hexagonale du XXème siècle ? Il avait, certes, l’immense tort d’avoir écrit en occitan.»  

Son œuvre majeure en prose  regroupe 5 volumes, publiés sous le titre de « Verd Paradis » (Vert Paradis), qui ont pour cadre l’univers des garrigues de l’arrière-pays montpelliérain hantées par le mystère de la vie et de la mort.

Sa poésie est également riche de nombreux recueils :
- « Les Sômis dau matin » (Les songes du matin) sa première œuvre parue en 1937
- « Les psaumes de la nuit »
- « Les poèmes en prose », etc …

Il rédigea aussi des essais, des traductions et des critiques parues en revue. Un amphithéâtre de la Faculté de Montpellier III porte son nom.

 

 - Jean Cassou 

Né  le 9 juillet 1897 à Bilbao, il décéda le 15 janvier 1986 à Paris.
Poète, romancier, critique d’art et historien, il fut aussi résistant et assura la rédaction du journal du « Groupe Résistance ».
Il échappa à la Gestapo et se réfugia à Toulouse où il fut incarcéré.
En 1945 il devint conservateur en chef des musées nationaux, fonda le musée national d’art moderne dont il fut aussi le directeur.  Il fut aussi président de l’IEO. Il  a été un écrivain et poète prolifique qui laissa une œuvre importante.

 

Jean Cassou Jean Boudou  


 - Jean Boudou
( « Joan Bodon » en occitan) 

Né le 11 décembre 1920 à Crespin en Aveyron, décédé le 24 février 1975 en Algérie. Entré à l’école normale en 1938 il est nommé instituteur à Castanet en 1941.

Il partit pour le Service du travail obligatoire (S.T.O.) de 1943 à 1945.
Ecrivain occitan par excellence, ayant écrit toute son œuvre dans cette langue, il fut aussi régionaliste, occitaniste, historien.

« Boudou est un des plus grands écrivains occitans du monde moderne. S’il avait écrit dans une langue majoritaire sa voix serait perçue de partout » a écrit Georg Kremnitz (universitaire allemand).

Son œuvre très  importante est un ensemble de romans, de contes, de poèmes qui  eut un grand rayonnement dans les cercles occitans mais, écrite uniquement dans sa langue maternelle et traduite tardivement, elle  fut  et est encore peu connue.

Il fut, par ses écrits,  à la fois occitan,  terrien par ses origines paysannes, subversif et pessimiste en estimant dans sa dernière œuvre «  Les demoiselles » que son Rouergue natal est mort dans les années 1970 par le déclin de la paysannerie.

 

 - Marcelle Delpastre

Née le 2 septembre 1925 à Germont en Corrèze, elle est morte le 6 février 1998 dans sa ferme de Germont.

Descendante d’une famille de paysans, elle apprend les deux langues l’occitan et le français. Elle deviendra auteure en langue occitane et en français tout en restant toute sa vie paysanne dans sa ferme de Germont.

La poésie l’accompagne toute la journée et elle note sur un carnet ses idées, ses vers et ses rimes. Au début des années 1950 elle envoie, encouragée par son entourage, ses textes à quelques revues et après ses premières publications, elle se fait connaître et apprécier dans le milieu littéraire limousin.

La mort, dans les années 1960, de son petit village et de la civilisation paysanne l’amène à s’intéresser aux contes, proverbes et traditions de son  limousin.

Alors « Marcella » (comme l’appellent ses amis) publie sa première œuvre en occitan « la lenga que tant me platz » (la langue qui tant me plait) et décide d’écrire en occitan sur le limousin.

- Marcelle Delpastre     

Elle entreprend la réécriture de contes traditionnels limousins et publie un premier recueil intitulé « Los contes dau Pueg Gerjant » (Les contes du Mont Gargan) qu’on réédite encore aujourd’hui.

Tout en commençant à œuvrer comme ethnologue de son pays avec « Le Tombeau des ancêtres : Coutumes et croyances autour des fêtes religieuses et de cultes locaux », elle continue à écrire des poésies.

En 1974 le recueil de poèmes « Los Saumes  pagans » (Psaumes païens) l’a fait connaître de tout le milieu littéraire occitan mais également tous les occitanistes par l’intermédiaire des revues « Oc », « Occitans net »   « Connaissance des Pays d’Oc »
Elle intervient aussi régulièrement dans la presse locale (Limousin magazine, La Montagne, L’Echo du Centre…)
Poétesse, conteuse, romancière, ethnologue elle est reconnue comme un  des dix plus grands écrivains occitans du XXème siècle.

 

Marcelle Delpastre    Félix Castan   

 

- Felix Castan 

Né le 1er juillet 1920 à Labastide-Murat dans le Lot, décéda le 22 janvier 2001, penseur et écrivain occitan, il débuta sa vie professionnelle comme ouvrier agricole après des études de lettres de 1942 à 1944. Il fut ensuite instituteur de village puis professeur de collège.

Militant occitaniste, il défendit toute sa vie la culture occitane. Opposé au jacobinisme étatique il fut un fervent partisan de la décentralisation et de la défense de la langue et la littérature occitane qui doivent  pour lui, irriguer la langue française et « être des leviers pour transformer  la nation française».

Il se disait « contre l’identitarisme mais pour l’identité, contre le nationalisme mais pour la nation ».

 Il distinguait régionalisation et décentralisation en optant pour une régionalisation socio-économique et pour une décentralisation, non pas au nom d’une revendication locale mais au nom de la nation, et qui devait être culturelle.
L’Occitanie est pour lui une culture. Poète, historien, comédien et penseur, il fut aussi un redoutable polémiste. Sans éditeur, il fut l’artisan de ses pensées.

 

 - Bernard Manciet

Né à Sabres le 27 septembre 1923 et mort à Mont-de-Marsan le 3 juin 2005.

Ecrivain landais, il est un des plus importants auteurs gascons du XXème siècle. Il fit des études de lettres et de sciences politiques et entra dans la carrière diplomatique.

Il a été fonctionnaire au Quai d’Orsay jusqu’en 1955, après quoi il retourna définitivement dans les Landes et se consacra à l’écriture. Poète, romancier, auteur dramatique, essayiste mais également peintre, il anima pendant 30 ans la Revue Oc, en tant que rédacteur en chef, mais refusa d’entrer dans le mouvement politique occitaniste.  Il laisse une œuvre considérable. Il se traduisait lui-même de gascon en français et n’acceptait d’être publié qu’en édition bilingue ; René Nelli écrivait en 1972, à son sujet, dans la poésie occitane : « Bernard Manciet est certainement l’un des grands poètes méconnus de l’Europe moderne »           

 

Bernard Manciet Robert Laffont  

 

 - Robert Laffont 

Né à Nîmes le 16 mars 1923, il décéda à Rome le 24 juin 2009.

Il fut poète, écrivain, dramaturge occitan mais aussi linguiste et  historien de la littérature occitane.

Professeur émérite de l’Université Paul Valéry de Montpellier, écrivain polyvalent,  son œuvre comporte près d’une centaine de livres en occitan, français, catalan et italien. Il présente, dans ses essais en français, la situation non seulement de l‘Occitanie mais aussi de l’ensemble des minorités vivant sur le territoire français. Il anima et fut rédacteur de plusieurs revues comme « Viure », « Amiras » ou « la Revista occitania ».

Il participa  aussi à la fondation de l’institut d’Etudes Occitanes (I.E.O.) dont il fut un des acteurs majeurs jusqu’en 1980. Au début des années 1970 il contribua à la création de la lutte occitane.

Sa candidature, en 1974, à l’élection présidentielle fut récusée par le Conseil Constitutionnel, faute d’un nombre suffisant de signatures d’élus, mais sa mobilisation fit naître le mouvement « Volem viure al païs» qui se prolongea   par le Parti Occitan.
Il reçut en 1987 la « Creu de Sant Jordi », distinction décernée par la « Generalitat de Cataluňa ».

 

 - Pierre Bec 

Romaniste français né à Paris en 1921 d’un père gascon et d’une mère créole.

Il a été professeur à l’Université de Poitiers, spécialiste de littérature et de linguistique occitane. Ecrivain en langue occitane, connu sous le nom de « Pèire Bec » il a aussi publié des poèmes et des recueils de nouvelles.

Il fut aussi directeur du « Centre d’études supérieures de civilisation médiévale » et président de « l’Institut d’études occitanes » pendant 18 ans.

 

Pierre Bec


(photo Georges
Souche)

 

4.6 / L’occitan au XXIème siècle et son avenir

En ce début de XXIème siècle et depuis la fin du siècle précédent la langue occitane connaît une situation bien meilleure qu’il y a cent  ans.

Toutefois son rayonnement, sa reconnaissance, en tant que langue régionale, bien qu’elle soit la première de toutes par l’étendue du territoire où elle existe,  son enseignement, et même sa transmission orale sont loin de ce que la culture et la civilisation qu’elle symbolise mériteraient d’être.

Elle n’a encore et toujours que la portion congrue et reste menacée par la réduction du nombre de ses locuteurs qu’ils le soient par transmission familiale ou par l’enseignement, bien que celui-ci soit en accroissement chez les jeunes, notamment aux épreuves du baccalauréat.

Pour illustrer cette absence de  reconnaissance, par la France,  des  langues régionales et  de l’occitan en particulier et de son retard par rapport à d’autres pays européens, l’état n’a toujours pas ratifié la Charte européenne des Langues Régionales  qu’elle a pourtant signée en 1999. La  même année l’Italie   a reconnu  l’occitan comme langue nationale devant être protégée.

En 2006 l’occitan devient une langue co-officielle avec l’espagnol et le catalan sur le territoire de Catalogne. Toutefois, en 2008 la France adopte l’article 75-1 de la constitution française qui spécifie : «  Les Langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »

Malgré cela  la France ne possède aucun dispositif législatif garantissant officiellement reconnaissance et droits pour les langues régionales. De plus le conseil constitutionnel, en mai 2011, précise que l’article 75-1 «  n’institue  pas un droit ou une liberté que la constitution garantit ».

La nécessité de légiférer pour garantirdroits et liberté d’usage des langues régionales apparaît nécessaire.  Cela montre, s’il en était besoin, que le « combat » mené depuis la Renaissance pour la langue occitane n’est pas terminé même si ses formes et ses supports politiques et médiatiques sont aujourd’hui différents, moins revendicatifs et empreints des violences que ceux qui eurent lieu au cours du XXème siècle.

Ce qui fait dire à Yves Rouquette :

« La révolte n’est plus de mise dans les milieux occitanistes.  Plus la moindre manifestation sociale de grande envergure. Une presse confidentielle. »

Faut-il revenir aux révoltes antérieures pour porter les revendications occitanes ?  La question peut se poser  et chacun y apportera la réponse qui lui semble la mieux adaptée.
Les revendications continuent aujourd’hui, indépendamment d’appuis politiques, par des manifestations populaires, des écrits, journaux et par les poètes,  écrivains et chanteurs actuels.

L’Institut d’Etudes Occitanes (I.E.O.), depuis sa création en 1945, poursuit l’objectif de maintien et développement de la langue et la culture occitane. L’occitan, né il y a dix siècles, issu des « profondeurs de l’Histoire » devrait trouver, en tant que grande langue, en Europe, la place  qui lui est due.

Des  manifestations, sous l’égide du collectif  « Anem oc » s’organisent régulièrement  pour une meilleure reconnaissance de la langue occitane.

Ainsi  le 26 octobre 2006  à Carcassonne 10000 personnes se sont regroupées dans les rues jusqu’à la Cité.

On en comptait environ 20000 le 18 mars 2007 à Béziers, dont une importante proportion de jeunes, puis environ 25000 de nouveau à Carcassonne en 2009.

Enfin le 31 mars 2012, à Toulouse, c’est encore au moins 20000 manifestants qui réclamaient, une fois de plus, un statut officiel pour l’occitan et les langues régionales, par leur reconnaissance dans la constitution et par la loi, ainsi que la ratification  par l’Etat de la Charte européenne des Langues Régionales.

La Dépêche du Midi du 1er avril s’est fait l’écho de ce rassemblement protestataire. Bien évidemment, ces rassemblements font souvent l’objet de déclarations et /ou de promesses de la part d’élus qui sont présents sur les lieux et qui ne sont, hélas, pas ou peu suivis d’effets. Mais elles ont le mérite de persévérer dans la défense de cette langue, de sa pratique, de son expression, dans la vie publique, sous toutes ses formes, médiatiques (presse, télévision, radio) littéraires, poétiques, musicales, cinématographiques,  et bien évidemment  de son enseignement qui ne doit pas rester ‘’confidentiel’’ mais conforme à une langue reconnue.

Quel est aujourd’hui  le rayonnement, le niveau de connaissance et de pratique de l’occitan  et qui en sont les moteurs ?

Une étude récente, effectuée fin 2010 dans 4 départements de Midi-Pyrénées (le Gers, l’Ariège, le Tarn et les Hautes –Pyrénées) auprès de 5000 personnes représentatives de la population régionale,  dont la Dépêche du Midi a fait mention dans son édition du 30 septembre 2011 sous le titre « Occitan, une langue toujours vivante », indique que « plus d’un habitant sur deux dit avoir des notions d’occitan. Les ¾ des sondés pensent qu’il est important de le préserver ».
Ce sondage révèle que, lorsque l’habitant interrogé parlait occitan, l’entretien se poursuivait dans cette langue. Quant à la transmission orale, 75% des « occitanophones » ont appris la langue au sein de leur famille, mais, paradoxalement, seuls 25% l’ont transmise.

Enfin il ressort que l’enseignement de l’occitan dans la région reçoit un bon accueil y compris de la part de jeunes originaires d’autres régions. Ce sondage peut paraître, comme l’indique  le titre de l’article, un signe que l’occitan est toujours vivant, mais il n’empêche que l’Etat reste, pour le moins,  toujours aussi  peu réceptif aux revendications pour  introduire la langue dans la vie publique, faciliter, voire promouvoir son enseignement et soutenir la création artistique et littéraire en occitan.

Dans le domaine de la création, de la promotion et de la pérennisation de la langue, les poètes, écrivains et musiciens contemporains, nés à partir de la fin des années 1930 et dans la seconde moitié du XXème siècle, apportent une importante  contribution à la lutte occitane.

 Il faut citer :

- Yves Rouquette, né en 1936, professeur de lettres ayant exercé  à Béziers sa ville natale, il est, aujourd’hui, l’un des plus grands  écrivains et poètes  défenseurs de la cause occitane.
Animateur du mouvement politique et culturel occitan il a fondé le  label de la maison de disques « Ventadom »  qui a permis à la  nouvelle chanson occitane de renouveler son audience. Fondateur de la revue « Viure », il eut des responsabilités dans le mouvement autonomiste « Volèm viure al païs »  à la fin des années 1970.
Il est aussi à l’origine du « Centre international de documentation occitane » en 1974, stationné à Béziers, devenu aujourd’hui « Centre interrégional de développement de l’occitan ». Il est l’auteur de nombreux recueil de poésies et d’ouvrages en occitan et en français.

 

Yves Rouquette Joan Larzac


- Joan Larzac : né Jean Rouquette à Sète en 1938, il est le frère d’Yves Rouquette.
Prêtre, écrivain occitan et critique littéraire, son œuvre d’érudit est marquée par la foi. Son engagement occitaniste, rejoignant sa pratique religieuse, généra des poèmes passionnés tels « Contre l’histoire  ( 1967), « Refus d’enterrer » ( 1970), « La Bouche a la parole » ( 1971). Il dirigea le secteur littéraire de « l’Institut d’Etudes Occitanes » et donna la parole aux jeunes écrivains d’oc.

- Marceau Esquieu : né en 1931 dans le Lot-et-Garonne c’est un enseignant, écrivain, poète et conteur occitan.
Il a été professeur de lettres classiques à Villeneuve sur Lot de 1957 à 1992. Il n’a pas cessé de faire connaître et écrire sa langue maternelle. Il a fondé et animé « L’Escòla occitania d’Estiu » (L’école occitane d’été).
Il y multiplie les actions pour remettre en lumière, par l’édition, les auteurs occitans comme Jasmin par exemple. Il a participé à de nombreuses émissions de télévision pédagogique sur l’occitan (Parlar occitan) Il est l’auteur de paroles de chanson interprétées par Jacmelina, (32) Eric Fraj, (33) BernatDauphiné.

Son œuvre riche en nouvelles, récits, souvenirs, théâtre, est regroupée par l’IEO. Il est également conteur et réalise des tournées dans les écoles et nombreux lieux.
Il ne revendique rien de son combat occitan mais déclare «  La victoire majeure qui est incontestable  aujourd’hui, c’est qu’on ne se fiche plus de notre gueule. Il n’y a plus de mépris ».

 

Marceau Esquieu Roland Pécout

 

- Roland Pécout : poète, écrivain occitan né à Châteaurenard en 1949. Rencontre, à 15 ans, la littérature occitane en lisant « Mirèio » de Mistral.

Il fait paraître en 1966 son premier texte « L’Armana prouvençau » qui est une adaptation d’un poème de Ronsard.
À la même époque, son premier recueil de poèmes « La Sòm de la tèrra » obtient le prix Jaufré Rudel.
Il publie par la suite tantôt en occitan et tantôt en français. Il a de multiples facettes étant tour à tour, poète, dramaturge, journaliste, critique littéraire, romancier et essayiste. IL fut aussi collaborateur de la revue Connaissance du Pays d’Oc et a publié des poèmes et textes de création dans les revues « Oc », « Viure », « Obradors », « Europe », « Revista occitana ». 

                                                                                                                                            

 

- Michel Chadeuil : Ecrivain et chansonnier occitan né en 1947 en Dordogne. Il est un des premiers écrivains occitans à avoir utilisé la graphie classique occitane. Son œuvre s’appuie sur un mélange d’humour noir et de fantastique. Il a écrit également de nombreuses chansons.

On peut encore citer les noms de Joan Ganhaire, Philippe Grady, Serge Bec, qui ont contribué  à perpétuer la tradition littéraire d’oc et  défendre cette langue occitane.

Dans le domaine de la création et de l’expression musicale on peut noter aujourd’hui une plus grande production et une plus grande variété qu’au siècle dernier où elles étaient surtout revendicatives et militantes.
Les traditions sont préservées, même si elles sont ‘’modernisées’’ avec une part importante pour les musiques de danse. Les écoles de musique enseignent la musique traditionnelle occitane en s’appuyant sur le travail du «  Conservatoire Occitan ».

Parmi chanteurs et groupes musicaux on peut citer :  Jacmelina, Eric Fraj, (déjà mentionnés) Marie Rouanet, Claude Marti, Patric (né Patrick Martin), Carlotti, Chiron, Guy Bonnet .

Quant au théâtre, qui fut un élément important des revendications occitanes dans la décennie 1970,  avec notamment le « Théâtre de la Carrièra », il conserve son aspect « paysan » avec ses comédiens  amateurs se produisant localement. Mais  il faut aussi noter le développement d’un théâtre plus professionnel avec des troupes plus importantes.

Dans le domaine des revues, qui utilisent de plus en plus la graphie classique, elles tentent de se développer même si  elles n’apparaissent que trop rarement dans les kiosques pour être accessibles au grand public.

Michel Chadeuil

On peut citer pour les revues littéraires :
- Lo Gai Saber
- OC
- Reclams.

Et pour les revues de réflexion et d’information :
- Occitans 
- l’Occitan
- Infoc
- Estudis Occitans
- Monde en Òc.

   

4.7 / L’enseignement aujourd’hui
 
L’étendue de son espace géographique représente un atout pour l’occitan et en  fait la première langue régionale de France par le nombre d’élèves concernés.

Avant d’aborder ce qu’est son enseignement aujourd’hui, il convient d’examiner  quelle est la langue dont on parle et qu’on enseigne. En effet, en dehors de l’important espace, étendu sur plusieurs régions, où se ‘’pratique’’ l’occitan avec ses difficultés de collaboration interrégionale, s’opposant ainsi à une existence effective, s’ajoute pour les locuteurs, en l’absence d’un  territoire de légitimation, un sentiment de non-cohérence d’un ensemble linguistique, donc d’une langue. 

Toutefois la pluralité des dialectes occitans ou de l’occitan (le languedocien, le gascon, le provençal, le limousin, l’auvergnat, le vivaro-alpin) n’est  pas antinomique avec l’unité de la langue et l’intercompréhension par les différents locuteurs. Parler un des dialectes revient à parler un occitan.

Le premier « défi » (comme le qualifie Marie-Jeanne Verny)  est la recherche d’une normalisation de la langue c’est-à-dire l’élaboration d’une norme graphique tenant compte de la diversité dialectale Ce dernier point est bien résumé par Christian Nique qui écrit  dans « le précis d’occitan et de catalan »

« Les locuteurs naturels de l’occitan sont parfois les premiers à faire une différence entre ce qu’ils nomment  leur ‘’patois’’ local et ‘’ l’occitan’’, qu’ils voient comme une langue lointaine et  académique. En fait le concept d’occitan englobe aussi bien les parlers locaux que la variété dite standard. » 

On a vu dans les paragraphes précédentsque l’occitan n’appartenait pas à un ensemble politique, administratif et même historique unitaire et que les mouvements que sont le Félibrige, né au XIXème siècle et le mouvement occitan datant du XXème avaient adopté deux graphies de l’occitan dites « mistralienne » pour l’un et  « occitane »  ou « classique » pour l’autre.

Ainsi, dans le cadre universitaire et dans celui des concours de recrutement des enseignants, les deux graphies sont acceptées. Les linguistes cherchent actuellement à élaborer une standardisation, tout en respectant les variétés dialectiques, ce qui peut apparaître comme une gageure.

Cette réflexion sur la codification est un corollaire aux luttes pour imposer l’enseignement de la langue. Ces luttes, comme on l’a vu précédemment, répètent depuis le XIXème siècle,  les mêmes revendications, oeuvrent pour les mêmes propositions de loi, bâtissent dans le cadre de l’IEO des outils pédagogiques, sont parties prenantes dans les réflexions linguistiques, exercent des pressions pour que l’Etat organise l’enseignement de la langue.

Bien que l’enseignement de l’occitan soit, en  théorie, possible à tous les niveaux, il existe, compte tenu des différences de modalités et d’un cadre juridique ‘’fragile’’, d’importantes inégalités sur notre territoire. Paradoxalement les zones où l’enseignement est le moins organisé (zones rurales et de montagne) sont celles où les locuteurs naturels  sont les plus nombreux. Marie-Jeanne Verny  explique cela par  «  le sentiment d’auto dépréciation,  dont sont encore prisonniers ces locuteurs naturels, qui les freine dans leur exigence d’enseignement de leur langue ».

Depuis la loi Deixonne de 1951 un certain nombre d’évolutions se sont produites dans l’enseignement de la langue occitane :

- création de classes bilingues publiques en 1982
- création du CAPES d’occitan- langue d’oc en 1992
- création du concours spécifique des professeurs des écoles de et en langues régionales en 2002
- en juillet 2008 inscription des langues régionales dans la constitution
- enseignement de l’occitan dans les universités  à Aix,  Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, Nice, Pau, Paris Sorbonne, Toulouse.

Aujourd’hui, dans le cadre de l’enseignement public, la langue occitane est enseignée dans les écoles, les collèges et lycées. Au cours de l’année scolaire 2003-2004, on enregistrait un total de 78769 élèves, répartis dans 8 académies du grand sud (voir tableau ci-après). 

L’ENSEIGNEMENT PUBLIC DE LA LANGUE OCCITANE
EFFECTIFS DES ELEVES REPARTIS PAR ACADEMIE ET NIVEAU D’ENSEIGNEMENT
ANNEE SCOLAIRE 2003-2004 -
source : enquête DESCO
« Direction de l’Enseignement scolaire ministère de l’Education Nationale » - mars 2004

 

Le Lycée de Revel assure un enseignement de l’occitan, pour les classes de 1ère et terminales,  dispensé par des professeurs certifiés.  On distingue deux catégories :

1. Pour toutes les classes de 1ère et terminale, une option facultative à raison d’une heure par semaine en première et une heure en terminale.
Au baccalauréat cette option est affectée du coefficient 2 et, comme pour toute option, seules les notes supérieures à 10 sont prises en compte.
Les élèves doivent présenter 6 à 8 textes avec commentaires, puis discussion avec l’examinateur.

2. Pour les classes de première et  de terminale littéraire possibilité de choisir l’occitan pour  l’option LV3 (langue vivante 3). Les cours sont alors obligatoires, à raison de trois heures par semaine. Au baccalauréat cette option est affectée du coefficient  4. À l’examen les élèves doivent présenter 12 à 14 textes toujours avec commentaires et discussion.

En dehors du secteur public les « Calendretas », déjà évoquées, regroupent 54 établissements, dont 2 collèges, sur 17 départements pour 3000 élèves environ.
Ce sont des écoles associatives, privées, laïques  et gratuites, pratiquant le bilinguisme occitan-français et sous contrat avec l’éducation nationale.
Les enfants sont accueillis de la maternelle à la fin du collège.

L’ensemble des « calendretas » est regroupé  en fédération d’écoles départementales puis  régionales où sont représentés les associatifs et les enseignants. En 2012,  743 enfants étaient scolarisés en Midi-Pyrénées. 

Dans le domaine de la réflexion pédagogique et  didactique des formations  en occitan ont été créées pour les maîtres allant de quelques heures annuelles ouvertes en option aux candidats des concours du 1er degré jusqu’à des formations approfondies.
Par ailleurs, dans le domaine des outils pédagogiques,  pour lesquels  des grandes figures de l’occitanisme comme Charles Camproux ou Robert Laffont ont apporté leur aide à leur construction, on peut noter des Albums et livres de lecture, des manuels et des revues pédagogiques.

Malgré ces évolutions et les quelques moyens mis en œuvre, difficultés et blocages demeurent. Nombre d’inégalités existent  sur le territoire français quant à la densité des sites d’enseignements bilingues publics.

Ainsi en Corse près d’un élève sur deux a accès à un enseignement bilingue alors que la majorité des départements occitans sont dépourvus de sites bilingues.

 

 

On retrouve cette différence dans les postes ouverts  au CAPES. Cette disparité apparaît aussi dans l’espace occitan où on constate que les sites bilingues sont concentrés dans la zone centre-ouest de cet espace au détriment des zones nord et est, pas ou peu dotées.
Les autres difficultés et blocages sont liés aux économies budgétaires, à la dévalorisation  et  l’auto dévalorisation (pour les locuteurs naturels) des langues régionales. Cette dévalorisation est assez souvent la conséquence de l’ignorance de la part des détracteurs des richesses de la langue et de sa culture.

A ces difficultés s’ajoute la persistance des attaques contre l’enseignement des langues régionales.

Par exemple, le nombre de postes au CAPES est passé de 17 en 2002 (pour 32 départements soit le 1/3 de la France) à 13 en 2003 et, depuis 2004, à 4 nouveaux postes par an. Ceci entraînant des fermetures de certaines préparations pédagogiques et le non-remplacement de quelques départs en retraite de professeurs.
On peut encore noter  la non prise en compte de l’évaluation des langues régionales dans le socle commun des connaissances  et également au brevet des collèges, la non acceptation des langues régionales au concours de professeur des écoles, la baisse du coefficient des langue régionales par rapport à celui des langue mortes (3 pour ces dernières contre 2 pour les langues régionales). Enfin, dans la loi d’orientation  pour l’école de 2005, un article précise que « un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité par voie de convention entre l’Etat et les collectivités territoriale où ces langues sont en usage ».

Ce qui induit implicitement qu’en l’absence de convention l’enseignement de l’occitan pourrait ne pas être organisé. Pour garantir cet enseignement il apparaissait indispensable que les organismes « occitanistes » incitent  fortement les régions à signer ces contrats.

Dans ce cadre, la région Midi-Pyrénées a signé,  le 1er décembre 2009, avec l’état,  pour la période 2009- 2015 « une convention cadre de partenariat pour le développement et la structuration de l’offre de l’enseignement de l’occitan et en occitan -  enseignement public et privé ».

 Cette convention, s’appuyant sur  le fait législatif instituant les langues régionales comme faisant partie du patrimoine national, qui donne aux institutions le devoir de préserver et transmettre ce patrimoine,  a pour but  d’œuvrer à sauvegarder et à développer l’occitan.

Elle a pour objectifs :

- de développer significativement l’offre d’enseignement de/et en  langue occitane
- de coordonner les actions d’informations aux familles, d’édition et d’animation pédagogiques en occitan
- de généraliser l’information – sensibilisation dans toutes les écoles au terme de la convention
- d’ouvrir 30 nouveaux sites publics
- d’ouvrir 2 classes bilingues associatives  en 2009 et 2010
- de développer la prise en compte de l’occitan dans de nouveaux collèges et lycées.

 

Ce bilan montre que la part de l’enseignement bilingue en primaire ne concerne que 0,90% du nombre total des élèves, public et privé confondus.
Quant à l’enseignement «extensif » il atteint 11,76%.             

Un bilan d’étape  en 2012 devait permettre de préciser les objectifs de cette convention.
N’ayant pas d’informations précises sur ce bilan, il est difficile, aujourd’hui, de savoir à quel niveau se situe la réalisation d’une partie de ces ambitieux objectifs et de la précision nécessaire à leur apporter.

Il semble toutefois que cette convention a permis une sensible augmentation des effectifs bénéficiant d’une des formes d’enseignement de l’occitan,  la progression de l’enseignement bilingue (13 nouveaux sites bilingues publics entre 2010 et 2012 et ouverture de 2 « calandretas »), et la professionnalisation accrue de l’occitan.

Les blocages persistants pour s’opposer au développement de l’enseignement de l’occitan d’une part et les efforts pour le développer et contrarier la diminution de la transmission orale  et  de la pratique de la langue l’occitane d’autre part, ne permettent pas  de conclure  que la pratique de cette langue tend à évoluer ou à diminuer,  même si le nombre de jeunes choisissant l’occitan comme langue d’expression et de création s’accroît.

 

Ce qui prouve une fois de plus que le combat doit continuer.

Il semble, d’après l’IEO, que la loi de refondation de l’école de 2013   apporte un progrès et « ouvre des portes pour un avenir positif de développement » comme l’écrit son président Pierre Bréchet.

Cependant une loi n’offre pas la garantie d’application et de concrétisation dans les actes, les exemples contraires étant nombreux.

Le 19 juillet 2013 la Dépêche du Midi publiait un article sous le titre «  Langues régionales en danger : un rapport pour stopper le déclin » qui alertait sur leur déclin en France, du fait de  l’extinction croissante de la transmission familiale et de l’accroissement de la mobilité géographique, à l’appui d’un rapport du Comité consultatif de la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne.

Il invitait le parlement à voter une loi à haute valeur symbolique affirmant l’importance des langues régionales et proposait  aussi de sensibiliser les citoyens en lançant une campagne de communication nationale, afin d’améliorer l’information sur son enseignement et de mieux prendre en compte l’existence des langues régionales dans les cours d’histoire géographie.

Le comité insistait sur le fait que « chaque enfant doit pouvoir apprendre à lire et écrire dans sa langue maternelle » A l’examen de l’étendue des programmes scolaires et de la portion congrue réservée actuellement à l’enseignement de l’histoire  (notamment de notre pays) ce dernier souhait semble difficile à satisfaire.

 

  Article de la Dépêche du Midi du 19 juillet 2013

 

Les actions envisagées par la région Midi-Pyrénées pour le développement de l’enseignement de l’occitan, la protection de la culture et de la langue occitane laissent apparaître quelque espoir dans le combat contre le déclin de la transmission orale, la désaffection de l’usage de la langue et pour le développement de son enseignement.
Au nombre des actions programmées en 2013 et les années précédentes, visant au développement de l’occitan, on  peut noter la création d’une bourse   « Ensenhar » pour inciter les élèves à présenter des concours bilingues français-occitan, des opérations de sensibilisation à l’occitan dans les lycées, des aides aux projets audiovisuels en occitan, l’élaboration et l’adoption d’une charte interrégionale sur l’occitan, entre 2011 et 2012.

Enfin au chapitre des projets  est envisagée la constitution d’un office public interrégional liant Midi-Pyrénées, Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Limousin et Rhône-Alpes.
On note cependant dans ce projet interrégional  l’absence de la région PACA.

L’occitan, riche langue romane, née il y a plus de dix siècles, qui s’étend sur un territoire de 200000km² couvrant 33 départements français et symbolise l’unité d’une communauté ethnique de langue, de culture et de conscience de groupe, ne peut voir son avenir condamné au déclin.

Les luttes qui furent parfois violentes, pour sa défense et sa pérennisation depuis la  Renaissance, face à la volonté étatique centralisatrice encore peu favorable à l’extension de son enseignement et de son rayonnement dans la vie publique, doivent continuer avec l’appui et l’initiative des régions occitanes, sous condition, dans le cadre d’une réelle régionalisation, d’une autonomie financière et de gestion leur permettant, au-delà de leur seule volonté unitaire, d’atteindre cet objectif avec le concours d’organismes et d’associations. 

Certes la mondialisation, les mouvements migratoires, les déplacements des populations rurales vers les villes, la pratique intimiste à la limite de l’auto dévalorisation de la langue maternelle sont autant  d’obstacles voire de freins au maintien, au rayonnement de la langue, à la persistance des locuteurs naturels et au développement des ’’enseignés ‘’ mais la prise de conscience, le développement, encore insuffisant, de l’enseignement, les  initiatives régionales  et l’espoir d’une écoute active de  l’Etat, laissent espérer une renaissance.
 

Comme l’écrit Yves Rouquette:

« La messe n’est jamais tout à fait dite. Va-t-on secouer la torpeur, réveiller les énergies ? Je crois que « lo passat plaideja per l’endevenidor » (34) Oui, envers et contre tout, je le crois 



 

NOTES

1-.  Sources :
- Historique de l’Occitan (André Dupuy, Marcel Carrière, Alain  Nouvel
- L’Occitan, langue de civilisation européenne (Alain Nouvel)
- Persée : Diffusion d’une langue nationale et résistance des patois en France au XIXe siècle (Philippe Vigier)
- Persée ; Le néo-occitanisme dans les représentations territoriales des élites méridionales (Jérôme Ferret)
- Carcassonne culture : La dynastie des Trencavel
- Persée : Identité partisane et revendication occitane (Fabien Nicolas)
- Persée : L’Aquitaine des Wisigoths aux arabes (418-781). Naissance d’une région  (Michel Rouche)
- Persée : La bataille de Muret du 12 septembre 1213 (Marcel Dieulafoy)
- Herodote.net : Le bûcher de Montségur
- Persée : Le bûcher de Montségur (Zoé Oldenbourg)
- Persée : Histoires contemporaines en Pays d’OC (Gérard Cholvy)
- BNF Gallica : Les Fors de Bigorre
-  Persée : Les historiens du début du XIXe siècle et le Moyen-Âge occitan (Philippe Martel)
- Persée : Occitanie, Volem Viure (Michel Le Bris)
- MEM’OC : Abrégé de culture occitane (équipe d’animation pédagogique de l’Académie de Toulouse)
- 700 ans de révoltes occitanes (Gérard de Sède)
- La Revendication Occitane (Robert Lafont)

2-. Casimir Barrière-Flavy (1863-1927) était avocat, historien, archéologue. Il était spécialiste de l’archéologie barbare. Il fut membre de la Société d’Archéologie du Midi de la France

3-. Source : l’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes – 418/781 (Michel Rouche)

4-. En 1069 les coutumes de Bigorre furent dressées sous le nom de Fors de Bigorre.

5-. Auguste Bailly : La réforme en France jusqu’à l’Edit de Nantes. 

6-. Sources :
- Historique de l’Occitanie (André Dupuy, Marcel Carrière, Alain Nouvel)
- L’Occitan langue de civilisation européenne (Alain Nouvel)
- La Langue Occitane (Pierre Bec)
- 700ans de révoltes occitanes (Gérard de Sède)
- Wikipédia
- Encyclopédie Universalis
- Persée : Diffusion d’une langue nationale et résistance des patois en France au XIXème siècle (Philippe Vigier)
- Politique linguistique de la France à l’épreuve des revendications éthno-territoriales (Jean-Baptiste Harguindéguy et Alistair Cole)
- Histoire de l’Occitanie (Christian Estève)
- Ecriture en occitan et genres littéraires (Philippe Gardy)
- Académie-Montauban : langue et culture occitane : écrivains occitans
- Sur l’histoire occitane par Gérard Cholvy article paru dans Débats et combats
- La revendication occitane (Robert Lafont)
- Quel Occitan pour Demain (Eric Fraj, Chanteur, musicien, enseignant d’occitan et de philosophie)
- Couleur Lauragais (Novembre 2006)
- Institut Estudis Occitans
- Enseigner l’Occitan au XXIème siècle. Défis et enjeux (Marie-Jeanne Verny)
- La Dépêche du Midi
- L’Occitan, une langue
- Cardabelle. Lenga d’Oc
- MEM’OC  Abrégé de culture occitane (Equipe d’animation pédagogique de l’Académie de Toulouse)

7-. Sources :
-  Occitania Mediatèca Enciclopedia : Les Trobairitz
- Les écrits des « Trobairitz »  (Lori-Anne Théroux-Bénoni, Université Concordia)
- CLIO (Conservatoire contemporain de littérature orale) Images des Trobairitz (Martine Jullian)
- Troubadours, trouvères et jongleurs (Gérard Lomenech)
- Wikipedia

8-. Les vidas: Courts textes biographiques.
Les  razos : Commentaires sur les poésies et les personnages permettant de donner des détails sur les troubadours et trobairitz.
Deux d’entre eux sont riches :
- le manuscrit H copié en Italie au XVIème siècle qui, en plus des textes propose huit enluminures de femmes troubadours
-  le manuscrit W «  manuscrit du Roi » présente entre autres chansons celle de la comtesse de Dia qui est la seule œuvre des  « trobairitz » dont on ait aussi la musique. 


9-. Canso : chanson poésie consacrée exclusivement à l’amour qui occupe une place d’honneur.

10-. Sirventès : Chanson satirique empruntant ses sujets à la vie publique ou privée excluant les histoires d’amour.

11-. Tensons : Discussion entre deux troubadours le plus souvent sur des sujets galants

12-. Sources :
- Les troubadours, leurs vies, leurs œuvres (Joseph Anglade)
-  Troubadours, trouvères et jongleurs (Gérard Lomenec’h)


13-. Friedrich Christian Diez (1794-1876), philologue allemand fondateur de la linguistique romane. Il s’intéressa spécialement à la littérature provençale des troubadours et réalisa les premières études  modernes de la littérature  romane du Moyen-Âge

14-. Exemple de chanson dialoguée : «  Mais comment se fait-il, par Dieu, qu’au moment où je veux chanter, je pleure ? Serait-ce à cause d’Amour, qui m’a vaincu ? Et d’Amour ne me vient-il aucune joie ? Si, il m’en vient. Alors pourquoi suis-je triste et mélancolique ? Pourquoi ? Je ne saurais le dire. J’ai perdu la considération (dont je jouissais auprès de ma dame) et la joie n’a plus pour moi de saveur. Jamais pareil malheur arriva-t-il à un amant ? Mais suis-je un amant ; Non ? Est-ce que je cesse de l’aimer avec ardeur ? Non, Suis-je un amant ? Oui, de celle qui me permettrait de l’aimer. J’ai bien reconnu qu’Amour ne me donne aucune joie ni aucun secours. Aucune joie ? Et pourtant j’aime la plus belle qui soit au monde. Aucune joie ? Non, aucune. Comment ? N’ai-je pas reçu assez de bien et d’honneur de ma dame ? Si, mais elle en a reçu davantage… » Voila un esprit, pour le moins, torturé !

15-. Bertran Larada (1581-1635) est un poète de langue d’oc dont l’œuvre principale : La Margalida Gascona est un recueil de poésies dont le thème est une jeune fille qui refuse ses avances

16-. Peire Godolin (1580-1644), nom francisé de Pierre Goudouli , né à Toulouse est un poète reconnu comme le plus inventif de son temps. Son œuvre maitresse est le Ramelet Moundi (Le bouquet Toulousain) dont le titre polysémique offre plusieurs interprétations notamment par son jeu de mot sur Moundi qui peut être : «  Raymond « (Prénom du comte de Toulouse) ou «  le Monde »,  «  Mon Dieu », voire «  Mon Dire ».
Poète reconnu au XVIIème ses œuvres sont encore régulièrement rééditées.

17-. Extrait du livre de Pierre Espenon «  La révolution dans le canton de Revel »

18-. Le 9 Thermidor an II : Journée révolutionnaire qui vit la chute de Robespierre et de ses alliés, la fin de la convention montagnarde  et la réaction dirigée contre les forces révolutionnaires. Le 10 Thermidor Robespierre ainsi que Saint-Just, Couthon et 19 de leurs alliés furent guillotinés sans jugement !

19-. Henri Pascal de Rochegude  (1741-1834) est né à Albi. Il fut officier de marine, homme politique, romaniste, lexicographe et bibliophile occitan et français. Il est un des premiers spécialistes des Troubadours. (d’après Wikipedia)

20-. François Just Marie Raymouard  (1761-1836) est né à Brignoles. Il fut historien, philologue, romaniste et dramaturge français. Ses travaux sur la publication et la traduction des troubadours à la suite de ceux de Jean-Baptiste de la Curne de Sainte Palaye (1687-1781) furent essentiels pour la mode du style troubadour et plus tard pour celui du Félibrige. Après avoir abandonné le théâtre, à  la fin de l’Empire, il se consacra à la philologie et l’étude des langues du Moyen Âge. Il est présenté par Robert Laffont comme une des grands précurseurs du félibrige (d’après Wikipedia)


21-. Augustin Thierry (1795-1856) né a Paris est un historien français. Il fut secrétaire de Saint Simon de 1814 à 1817. Il entre ensuite au journal «  Le Censeur » et se lance dans le combat libéral. Il publie en 1820 dans «  Le Courrier Français » ses  «  Lettres sur l’Histoire de la France » où il expose les principes de la réforme historique qui soulèvent de vives protestations qui l’obligent à quitter «  Le Courrier Français » en janvier 1821 ; il développe l’idée que l’histoire de France s’explique par la pérennité d’un conflit racial entre les gallo-Romains autochtones, dépositaires de la tradition démocratique et les conquérants germaniques ( les Francs)  représentant le pouvoir aristocratique.

22-. Antoine Fabre d’Olivet (1767-1825) né à Ganges, est un écrivain, philologue, occultiste français. Une grande partie de son œuvre comme écrivain et philologue est consacrée à la langue occitane qu’il maîtrisait parfaitement. Un important morceau de sa production fut «  La langue d’oc rétablie dans ses principes constitutifs » somme philologique dont R. Laffont a dit qu’elle contenait « sa part de délire »   en  impliquant un rapprochement entre Hébreu et Occitan comme proches  de la langue originelle de l’humanité.


23-. Sources :
- Le Félibrige : un certain nationalisme linguistique (Philippe Martel)
- La Revendication Occitane (Robert Laffont)
- L’Occitan langue de civilisation européenne (Alain Nouvel)
- Lexilogos : Le Félibrige
- Diffusion d’une langue nationale et résistance des patois en France au XIXème siècle (Philippe Vigier)
- Wikipédia
- Notre provence.fr
- La Langue Occitane (Pierre Bec)

24-.  Patois, terme à connotation péjorative pour beaucoup et dont Jaurès disait : « On appelle patois la langue d’un peuple vaincu »

25-. Joseph Roux : prêtre catholique limousin, passionné par l’histoire et les gloires de son limousin. Il met au point une orthographe en restaurant les notations traditionnelles des troubadours. Sa Grammaire limousine fit autorité

26-. Prosper Estieu et Antonin Perbosc : tous deux instituteurs laïques et anti-cléricaux. Le premier audois et le second du Bas-Quercy se lièrent d’amitié. Ils construisirent un nouveau système graphique

27-. Extrait de la préface d’aux flors d’Occitania  d’Estieu, Toulouse 1906

28-. Camille Soula (1888-1963) Ariégeois, né à Foix le 6 mai 1888, médecin physiologiste,  résistant, poète occitan. Décédé le 3 avril 1963 à Paris. Fonda avec Ismaël Girard, Déodat de Séverac et Antonin Perbosc  la Ligue de la Patrie Méridionale, Fédération des pays d’Oc.
En 1945 il fonda l’Institut d’études Occitanes avec Ismaël Girard, René Nelli, Max Rouquette, Jean Cassou, Robert Lafont, Félix  Castan et Tristan Tzara.

29-. Charles Camproux (1908-1994): né en 1908 dans le quartier populaire de Marseille «  La belle de Mai » dans un milieu ouvrier. Il perdit son père, mort au combat en 1917 et connut dès lors une enfance difficile  qui le conduisit à l’orphelinat Dom Bosco à Montpellier.
Devenu professeur à Mende puis à Narbonne  il s’engagea dans un occitanisme politique.
Prisonnier au cours de la guerre il parvint à s’échapper du stalag après quinze mois de détention.
Revenu à Montpellier il entra dans la lutte armée clandestine. Il fut, dans le même temps chargé de cours à la faculté des lettres de Montpellier pour la langue et la littérature d’Oc. Après la guerre, militant de la cause politique occitane il s’investit  surtout dans la revendication pédagogique et universitaire en vue de donner une place aux études occitanes à l’Université.
En 1954 il soutint une thèse d’Etat en Sorbonne sur la syntaxe occitane.
Il devint, en 1957, titulaire de la Chaire de Grammaire et philologie française à la Faculté des Lettres de Montpellier.
Il avait auparavant publié une œuvre importante pour la reconnaissance de la culture occitane avec son ‘’ Histoire de la littérature occitane’’  Il était aussi poète et publia quelques poèmes dès 1937/38 puis en 1942 à son retour de captivité.

30-. Louis Alibert : né à Bram le 12 octobre 1884 dans une famille de paysan. Il fait des études de Pharmacie, de philologie et d’histoire. Il adhère au félibrige, à l’Escola mondina puis l’Escola occitana. En 1928 il s’engage résolument dans la vie culturelle languedocienne en devenant secrétaire de la revue Terro d’Oc. En 1929 il collabore à la revue Oc. Il fait partie des fondateurs de la Société d’Etudes Occitanes. Puis il transforme Oc en publication de la SEO. Il publie entre 1935 et 1937 son œuvre sur la Grammaire occitane selon les parlers languedociens. Au début de la seconde guerre mondiale il soutient le maréchal Pétain. A la libération, il est  condamné à 5 ans de prison et à l’indignité nationale à vie sans que soit bien précisé ce qui lui est reproché.  Cela lui interdit de participer à l’émergence de l’occitanisme d’après-guerre et de jouer un rôle dans la fondation de l’Institut d’Etudes Occitanes (I.E.O.) en 1945. Il meurt à Montpellier le 6 avril 1959

31-. Jean Crouan : Né le 18/12/1906 dans le Finistère, décédé à Quimper le 09/10/1985. Notaire, il entre en politique en 1935  en devenant maire puis député l’année suivante. Déporté pendant la guerre à Dachau il en est libéré en avril 1945. Il reprend la vie politique en 1946 et retrouve son poste de député en 1955.

32-. Jacmelina (Jacqueline en occitan) est une chanteuse française d’expression occitane, représentante de la nouvelle chanson occitane. Professeur d’anglais à Toulouse elle interprète sur ses musiques des textes d’auteurs occitans comme Bernard Manciet, Marceau Esquieu .
 De 1985 à 1987 elle participa avec Eric Fraj et Bernat à la série d’émissions Istórias d’Aquitania  pour FR3 Toulouse ; Elle est décédée à la suite d’un accident de la route.

33-. Eric Fraj né en décembre 1956 est un chanteur surtout  en  occitan mais aussi en castillan et catalan. Il interprète des poèmes d’auteurs comme Jean Boudou, André du Pré … Il enseigne l’occitan et la philosophie à Muret où il réside.
Il a créé de nombreux spectacles mélangeant théâtre et musique.

34-.  « Le passé plaide pour l’avenir ».